Les algues : garde-manger des coraux

© photos.com

© photos.com

Des chercheurs de l’EPFL ont décortiqué le rôle crucial joué par les algues dans la survie des coraux. Des images ultra-haute définition prouvent qu’elles constituent des réserves temporaires de nutriments sous forme de cristaux, afin d’anticiper une éventuelle disette.

La relation qui unit les coraux et les algues microscopiques qu’ils hébergent est l’exemple même d’une symbiose biologique réussie – soit une interaction mutuellement bénéfique entre deux espèces. Cependant, la nature concrète de ce lien était encore jusqu’ici méconnue. Grâce à des techniques d’imagerie ultramodernes, Anders Meibom et son équipe de chercheurs du Laboratoire de géochimie biologique ont trouvé de nouvelles preuves du rôle décisif joué par les algues dans la survie des coraux lorsque ces derniers sont confrontés à un environnement pauvre en nourriture. Leurs découvertes font l’objet d’une publication dans le journal mBio du 16 mai 2013.

« Les récifs de corail sont les jungles de nos océans – des zones de biodiversité sensibles qui surpassent de loin tous les autres écosystèmes marins » explique Christophe Kopp, premier auteur de publication. Un blanchissement corallien est observé lorsque l’algue, très colorée, abandonne son hôte en raison de fortes pressions environnementales comme des températures aquatiques accrues. Les coraux ont alors de la peine à survivre seuls dans les eaux tropicales lorsque les nutriments viennent à manquer, et une famine prolongée peut avoir des conséquences irréversibles. S’il est notoire que les algues aident les coraux à assimiler certains éléments nutritifs comme l’azote de l’eau de mer, le procédé exact et la capacité des coraux à s’en sortir sans aide restaient encore flous.

Pour étudier de quelle manière les nutriments riches en azote sont absorbés et transformés par les coraux et les algues qu’ils accueillent, l’équipe d’Anders Meibom s’est associée à l’Aquarium Tropical du Palais de la Porte Dorée de Paris afin de procéder à toute une série d’expériences. Les chercheurs y ont nourri les coraux avec des composés riches en un isotope d’azote lourd qu’ils ont ensuite tracé en laboratoire. Pour ce faire, ils ont prélevé des extraits de corail à intervalles réguliers et les ont fixés et analysés au moyen d’un système d’imagerie isotopique dernier cri appelé NanoSIMS.

Les scientifiques ont ensuite reconstitué la chronologie de transformation de l’azote par les coraux et leurs symbiotes en alignant les clichés des échantillons prélevés régulièrement. Un mélange de microscopie électronique et de spectrométrie de masse leur a permis d’observer avec une précision inédite dans quels compartiments cellulaires les isotopes d’azote lourd venaient d’être incorporés.

Des cristaux en guise de réserves de nourriture
Ces recherches ont démontré que les coraux dépendent fortement des algues pour extraire de l’eau des quantités suffisantes de nutriments. Ce constat devient encore plus pertinent lorsque les coraux sont exposés au nitrate, qu’ils sont incapables de transformer et d’assimiler sans aide extérieure.

Plus intéressant encore, les scientifiques ont observé que les algues agissent comme de minuscules banques alimentaires. Les images montrent en effet qu’elles stockent temporairement l’azote sous forme de cristaux d’acide urique – un fait ensuite confirmé par l’analyse cristallographique. Ainsi, les algues peuvent engranger des éléments nutritifs lorsqu’ils sont présents en abondance et puiser dans leurs réserves quand les temps sont plus durs en, pour elles-mêmes ainsi que pour les coraux.

Les récifs coralliens jouant un rôle clé comme appât à touristes et habitat privilégié d’une foule d’espèces de poissons parmi les plus productives, il est crucial de comprendre leur destin lorsque leur environnement change, et ce tant pour des raisons écologiques qu’économiques.

Cette recherche a été réalisée par le Centre interdisciplinaire de microscope électronique de l’EPFL (CIME) en étroite collaboration avec l’Institut des sciences de la terre de l’Université de Lausanne, l’Aquarium Tropical de la Porte Dorée et le Musée d’Histoire Naturelle de Paris. Elle est financée par une bourse avancée de l’ERC et une bourse du Fond national suisse de la recherche scientifique.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL