Les aimants non-magnétiques révèlent leurs secrets

© Alain Herzog

© Alain Herzog

Les physiciens de l’EPFL étudient la structure de matériaux magnétiques et découvrent leurs propriétés inattendues. Ces recherches laissent présager des aimants encore plus miniaturisés dans le futur.

Collés sur les frigos, utilisés dans les moteurs électriques ou nichés dans nos disques durs, les aimants sont omniprésents. Les chercheurs les examinent depuis des siècles, mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’une équipe du Laboratoire de magnétisme quantique de l’EPFL a révélé une partie de leur structure la plus intime. Cette avancée fondamentale ouvre de nouveaux champs de recherche, mais aussi la voie vers des applications futures prometteuses, notamment dans le domaine de la miniaturisation des disques durs.

Un aimant qui n’aimante pas…

Un aimant sans aimantation. Voilà le matériau étrange ausculté par Henrik Ronnow et son équipe. Comment est-ce possible ? Les aiguilles de nos boussoles sont en réalité composées d’une myriade d’éléments magnétiques, qui s’organisent dans un réseau cristallin. Emprisonnés dans cet ensemble, comme autant de boussoles minuscules, les atomes ont leur champ magnétique orienté dans la même direction. Ainsi figés, le champ magnétique de chaque atome s’additionne et produisent ainsi le champ magnétique total de l’aimant.

Dans le matériau étudié à l’EPFL, les atomes sont associés en paires particulières : le champ magnétique d’un atome est l’inverse de celui de son voisin. Il en résulte que chaque binôme à un champ magnétique quasi nul. Tout le matériau perd alors également son aimantation.

Pour dévoiler les secrets de cet aimant surprenant, les chercheurs ont bombardé un échantillon composé de lithium, d’erbium et de fluoride avec des neutrons. Le rayonnement leur a permis de connaitre la structure du réseau cristallin et les propriétés magnétiques avec une grande précision. Ils ont dû réaliser ces mesures à très basse température, pour que l’agitation thermique des atomes ne vienne pas brouiller les résultats.

Résultats inattendus et perspectives d’avenir

En mesurant les propriétés magnétiques de leur échantillon, les physiciens ont obtenu un résultat inattendu. Les atomes des aimants sont disposés dans un réseau en trois dimensions. Les modèles des chercheurs permettent de prévoir quelles sont les propriétés magnétiques selon les caractéristiques de ce réseau, par exemple si l’aimant n’est composé que d’une fine couche d’atomes, appelée structure bidimensionnelle. Dans cette expérience, malgré un échantillon bien plus épais, les propriétés magnétiques sont celles d’une structure en une strate ! «Il se pourrait que ce soit dû au fait que le matériau soit composé de très fines couches empilées successivement qui gardent leurs propriétés individuelles», explique Henrik Ronnow.

Bien que purement liés à la recherche fondamentale, ces résultats concernent aussi à terme le domaine des disques durs. En effet, ils utilisent les propriétés magnétiques à des échelles toujours plus petites. L’information est stockée de façon binaire en changeant le pôle magnétique d’un secteur du disque. Mais, avec la miniaturisation, le risque est que les secteurs devenus trop proches puissent changer de pôle spontanément en s’influençant mutuellement. L’information serait alors perdue. «Avec ces matériaux particuliers, la miniaturisation pourrait continuer : chaque secteur serait un de ces couples sans champ magnétique. La probabilité que le champ magnétique d’un atome modifie celui de son voisin est quasi nulle.» Reste le défi intrinsèque de ces matériaux : créer une tête de lecture assez sensible pour décoder leur champ magnétique par définition très faible.

Lien :
http://lqm.epfl.ch/


Auteur: Nicolas Guérin

Source: EPFL