L'EPFL dans les profondeurs de l'Antarctique

Il aura fallu une décennie pour que le plus grand observatoire à neutrinos du monde voie le jour. IceCube est maintenant terminé et peut commencer sa mission : décrypter l’Univers.

40'000'000'000'000'000 de neutrinos traversent le corps humain chaque seconde. Ils sont si petits qu’ils n’interagissent pratiquement jamais avec la matière qui nous entoure. Et pourtant, les détecter nous donnerait de précieuses informations sur l’Univers et les objets qui le composent. Dès lors, la communauté scientifique internationale a décidé de construire l’observatoire antarctique IceCube, dans le but d’améliorer l’observation de ces neutrinos.

Le Laboratoire de Physique des Hautes Energies (LPHE) de l’EPFL, et en particulier les physiciens des astroparticules, ont participé à cette aventure fascinante dont la construction s’est terminée le 18 décembre 2010. Situé aux confins du globe terrestre, ce détecteur innovant est dédié à l’étude des propriétés fondamentales de particules dont l’origine décrit les phénomènes les plus spectaculaires de l’Univers comme les supernovae ou les sursauts gamma.

« Au cours des cinq dernières années, durant la courte saison d’été austral, 86 forages de 2500 m de profondeur furent creusés et équipés de 5000 modules de détection optique. Ces modules sont les yeux du détecteur IceCube qui observent un kilomètre cube de glace à proximité du Pôle Sud géographique. », explique Mathieu Ribordy, professeur au LPHE.

IceCube utilise l’effet Cerenkov, l’équivalent du bang supersonique mais pour la lumière. Cette dernière se déplace à environ 300 000 km/s dans le vide mais plus lentement dans des milieux matériels. En conséquence, le long des trajectoires des particules chargées, qui se propagent plus vite que la lumière dans ces milieux matériels, il y a émission d’un flash lumineux, bleuté, visible par des détecteurs dans un rayon de cent mètres dans la glace très pure du Pôle Sud. C’est ainsi que l’on peut matérialiser le passage d’une particule chargée suite à l’interaction d’un neutrino. La glace des profondeurs de l’Antarctique présente l’avantage d’une transparence et d’une propreté extraordinaire, ainsi que d’une radioactivité faible qui permet d’éviter certains parasites dans l’observation. C’est donc la candidate idéale pour un observatoire à neutrino.

« Même si le nombre de neutrinos qui atteint la terre est colossal, rare sont ceux qui interagissent avec la glace et provoquent un effet Cerenkov. Afin de mettre toutes les chances de notre côté, nous avons donc fait un détecteur gigantesque qui mesure un kilomètre cube, soit un milliard de tonnes de glace. Et malgré cette taille pharaonique, nous n’observons que 300 flashs par jour. C’est pourtant un record ! » ajoute Mathieu Ribordy.

Avec un détecteur aussi sensible qu’IceCube, les scientifiques espèrent enfin pouvoir observer des neutrinos en provenance de sources situées au-delà du soleil, et ainsi mieux comprendre l’Univers qui nous entoure. Il s’agira notamment de déterminer la nature de la matière sombre et de comprendre enfin l’origine des rayons cosmiques.

Lien web : http://icecube.wisc.edu/


Auteur: Bastien Confino

Source: EPFL