Le sapin s'expose au Louvre dans de nouveaux atours

© 2014 EPFL

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Prenez un bois tendre comme le sapin, chauffez-le, compressez-le et transformez-le en essence précieuse. L’EPFL+ECAL Lab expose, au Musée des Arts décoratifs de Paris, des objets en bois densifié qui montrent le potentiel d’un matériau issu d’un laboratoire et le rôle du design dans l’innovation.


On dirait du bois précieux, il en a la texture, la dureté, la couleur et pourtant…
Donner au bois tendre et facile à cultiver, comme le sapin, les qualités d’une «essence rare» résulte d’un long projet de recherche mené au Laboratoire de construction des Matériaux et à l’Ecole supérieur du bois de Bienne, sous la direction de Parviz Navi. L’EPFL+ECAL Lab, qui a pour mission d’explorer par le design le potentiel des nouvelles technologies, a repris les résultats de ces travaux et exploré différents usages.

De ce dialogue entre design et science émerge un « nouveau matériau » qui entre par la grande porte du Musée des Arts décoratifs de Paris. Pendant 6 mois, les visiteurs découvriront la transformation d’un simple morceau de sapin en objets réels. L’EPFL+ECAL Lab a invité 5 designers à investiguer ce matériau. Ainsi sont nés : les talons aiguilles du londonien Paul Cocksedge, une poignée de porte du studio lausannois Big-Game, un casque de haut-parleur imaginé par Normal Studio à Paris et des boîtes romantiques de Léa Longis.

Un des objets, imaginé par Chris Kabel, simple de prime abord, a surpris les ingénieurs par sa complexité de conception. Le designer hollandais a décidé de créer un casse-noix en bois densifié : « je voulais utiliser du noyer afin de réaliser cette idée cannibale, de l’arbre qui casse son propre fruit !». Il a fallu toute la patience du scientifique et l’espoir sans faille de l’artiste pour que naisse, dans ce nouveau matériau, l’objet utilitaire.

Ces créations sortent de la machine même qui a effectué les recherches scientifiques. Elle permet de contrôler indépendamment la température, la chaleur, l’humidité et la pression du bois placé dans un moule. Densifier le bois, c’est radicalement changer sa structure. Avant traitement, le sapin ou un autre bois tendre, montre une structure cellulaire avec de nombreuses cavités en forme de tubes. Cela explique qu’il soit si léger et qu’il flotte. En revanche, après densification les parois des cellules sont collées les unes aux autres, il n’y a plus d’air entre les fibres. Le matériau est devenu plus dur, il est plus solide, il offre des textures et des apparences nouvelles.

Le traitement permet, en plus, de mouler le bois afin de lui donner la forme voulue. Mais les défis restent grands car sa complexité, ses nombreux composants chimiques naturels et la structure sophistiquée formée par ses fibres rend sa densification extrêmement difficile.
Pour réaliser des objets homogènes, il a fallu dompter la réalité technique. Fred Girardet, concepteur de la machine, a procédé à des dizaines d’essais avant de réussir à sortir une pièce parfaite: «le bois doit être surveillé en permanence. Trop chaud, trop humide ou pas assez et le bois se fend, bruni, s’altère. C’est un peu comme quand vous confectionnez des biscuits, la colle naturelle du bois interagi avec la température du four et quand ça sent le brûlé, il est trop tard !» Le travail se focalise désormais vers une perspective d’industrialisation du procédé pour que le bois densifié sorte du musée et des laboratoires afin d’intégrer notre quotidien.