«Le potentiel des satellites est encore loin d'être épuisé»

José Achache, ambassadeur de l'ESA à l'EPFL. © Alain Herzog / EPFL

José Achache, ambassadeur de l'ESA à l'EPFL. © Alain Herzog / EPFL

Repérer les micromouvements d’un barrage, gérer une flotte de véhicules, surveiller l’exploitation d’une forêt protégée ou d’une plantation de café sont quelques-unes des utilisations possibles des satellites. Ambassadeur de l’Agence spatiale européenne (ESA) basé à l’EPFL, José Achache a pour mission d’aider les entreprises et collectivités suisses à mieux s’en servir.

Les technologies spatiales, satellites en tête, ont un vaste potentiel d’applications dans des domaines aussi variés que la logistique, l’exploitation des ressources, la sécurité ou la protection de l’environnement. Mais toutes ces possibilités sont mal connues et largement sous-exploitées. Pour pallier ce manque, l’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé un programme appelé Integrated Applications Promotion (IAP). Ancien directeur des programmes d’observation de la Terre de l’ESA et du Group on Earth Observations (GEO) à Genève, José Achache est désormais ambassadeur du programme IAP en Suisse. Basé au Quartier de l’innovation, il collabore notamment avec le Swiss Space Center de l’EPFL.

- En quoi consiste votre activité?

Notre but est d’aller à la rencontre des entreprises et communautés afin de les rendre conscientes des avantages des technologies spatiales, de les encourager à investir dans ces applications, de favoriser ainsi leur développement et élargir la palette de leurs utilisations. Le programme IAP apporte des financements importants pour aider au développement de ces applications, et nous aidons au montage technique et financier de ces aides. Je suis chargé de représenter le programme IAP en Suisse et de promouvoir les applications des données satellites dans trois secteurs principaux: les télécommunications, l’observation de la Terre, le positionnement.

- Ces secteurs sont-ils particulièrement porteurs?

C’est certain! Une récente étude sur le potentiel des services géo-spatiaux estime qu’ils généreront entre 150 et 270 milliards de dollars par an, dans les années à venir. Et les entreprises qui n’utilisent pas les techniques spatiales alors qu’elles y trouveraient un intérêt certain sont encore très nombreuses. Il y a donc encore beaucoup à faire.

- Avez-vous des exemples du genre d’entreprises ou d’activités qui ont tout à y gagner?

Dans le domaine de la logistique, je pense à une société de transport de biens par voie maritime, qui perdait la trace de milliers de containers par an. Grâce à un système alliant GPS et télécommunications, elle a pu assurer un meilleur suivi et réduire les pertes au moins d’un facteur mille. Toute les entreprises qui produisent, achètent et transportent des denrées alimentaires peuvent bénéficier du spatial pour s’assurer de l’origine de leurs importations, des conditions de leur production et de l’efficacité de la chaîne de négoce et de transport. Dans le secteur de la sécurité, je peux citer une application développée avec le soutien du programme IAP et utilisant des radars satellites et locaux pour détecter les vols d’oiseaux à proximité des aéroports. Ce service, particulièrement intéressant pour ceux qui assurent des décollages de nuit, accroit considérablement la sécurité et réduit les pertes matérielles. Autre exemple: les systèmes d’imagerie par satellite, qui rendent visibles des affaissements de terrains de l’ordre d’un millimètre, sont également utilisées systématiquement pour la surveillance des grandes infrastructures, tels que les barrages, les ponts ou les routes de haute montagne…

- Les collectivités publiques marquent-elles leur intérêt pour ces technologies?

Oui, de nombreuses instances politiques s’y intéressent. Grâce à la géo-localisation, il est par exemple possible à des pays qui n’ont pas de cadastres de mieux répertorier et gérer l’espace disponible sur leur territoire. Pour tout ce qui est protection de l’environnement et développement des énergies renouvelables également, les données recueillies par satellite offrent une vision très précise et précieuse sur l’état des cultures, forêts, sols, mers. Toute la beauté du satellite, c’est qu’il est mondial, qu’il opère 24h sur 24, et pour certains depuis 40 ans. C’est donc un formidable outil statistique et de gestion des ressources et des activités sur Terre, dont nous avons avantage à partager les données. C’est aussi un moyen de communiquer et d’accéder à internet en haut débit, partout à la surface de la planète, là ou il n’y a ni fibre optique, ni téléphone cellulaire.

- En Suisse, quels domaines vous semblent particulièrement intéressants?

Tout ce qui touche à la surveillance des infrastructures, la gestion des stations de ski, l’approvisionnement en eau et les risques liés à l’eau, la gestion des énergies, sans oublier l’agriculture et tout ce qui est prévision des récoltes, assurances contre les intempéries et surtout certification et traçabilité. Enfin, je suis convaincu que la sécurité aérienne, avec l’apparition programmée des avions sans pilotes, va constituer un énorme secteur de croissance pour l’utilisation des technologies spatiales. En réalité, le nombre de secteurs concernés est infini. Il faut faire confiance aux nouveaux Serguei Brin et Larry Page, qui sortiront bientôt des rangs de l’EPFL!