Le béton vert est-il un mythe?
Dans une chronique parue dans la presse romande, Maxence Grangeot, chercheur à l’EPFL, interroge les pratiques actuelles visant à réduire l’empreinte carbone du béton.
Sujet de controverse et de recherches variées, le béton est la deuxième substance utilisée par les humains après l’eau. Le ciment, composant crucial du béton, est souvent pointé du doigt car sa production est indissociable d’émissions de CO2 et représente environ 8% des émissions mondiales. Outre le ciment, le gravier est également un composant essentiel du béton, qui requiert aussi une extraction intensive et est souvent le résultat d’un concassage.
Alors que cette précieuse pierre liquide, souvent armée, se décline dans nos murs, nos planchers, nos fondations, nos infrastructures, est-il possible de construire des structures en béton plus respectueuses de l’environnement?
Améliorer les filiales existantes
Pour ce faire, on peut réduire l’impact du ciment, par exemple en utilisant des énergies moins carbonées pour sa production ou en modifiant sa composition. On peut aussi réduire la quantité de béton utilisée, en concevant des structures raffinées et rationnelles. C’est également une promesse de l’impression 3D dans la construction.
Le béton est aussi l’un des premiers déchets en Suisse. L’industrie le valorise en le concassant pour former à nouveau du gravier. Ce gravier est utilisé sous les routes, et dans les nouveaux bétons, substituant au maximum 50% de gravier naturel. Ce béton, nommé béton recyclé, nécessite en réalité autant de ciment qu’un béton classique, pour pour un impact environnemental équivalent. Il est pourtant utilisé sous l’égide de la cause climatique..
Exploiter le béton déjà coulé
Alors, comment faire? Plutôt que de concasser les débris de béton de démolition, une solution moins démocratisée consiste à les réemployer comme substitut à la pierre, directement comme éléments de pavage, de murs en maçonnerie, de murs de rétention ou en gabions. Les gros débris de béton sont souvent lourds et irréguliers, complexifiant leur mise en œuvre. Dans notre recherche, nous numérisons ces géométries particulières et planifions leur assemblage vertical sans altérer leur géométrie. Nous avons ainsi construit des prototypes de murs à échelle réelle et démontré leur potentiel porteur.
N’oublions pas que le béton le plus vert est celui qu’on entretient, et surtout, celui qu’on refuse de couler
Le réemploi de béton peut être encore mieux planifié, en découpant les structures en béton désuètes pour les reconfigurer en nouvelles structures. C’est par exemple l’idée phare de la passerelle Re:Crete, construite à l’EPFL avec des murs d’un ancien immeuble, ou encore celle du projet étudiant rebuiLT, un pavillon communautaire et low-tech érigé à Renens (VD).
Ces solutions réduisent l’empreinte du béton dans les nouvelles constructions, mais n’oublions pas que le béton le plus vert est celui qu’on entretient pour éviter l’obsolescence, qu’on renforce pour allonger sa durée de vie, et surtout, celui qu’on refuse de couler.
Maxence Grangeot, chercheur au Laboratoire d’exploration structurale (SXL), Smart Living Lab, et au Laboratoire de computation créative (CRCL), EPFL
- Cette chronique est parue en octobre 2024 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître auprès du grand public la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction.