La variation génétique, clé de la lutte contre les virus

Un virus de la grippe se lie à une cellule dans les poumons (© CDC)

Un virus de la grippe se lie à une cellule dans les poumons (© CDC)

Des scientifiques de l’EPFL ont identifié de subtils changements génétiques qui peuvent causer des différences marquées dans la manière dont nous combattons les infections virales.

Quand le système immunitaire est confronté à un virus, sa réponse varie énormément suivant les personnes. Cette différence est très importante, puisqu’elle peut déterminer les résultats cliniques ainsi que l’efficacité des vaccins. Des scientifiques de l’EPFL et de l’Institut Max Plank ont comparé les génomes de plus de 2000 personnes et ont trouvé un lien génétique qui explique ces variations immunitaires. Cette recherche, publiée dans American Journal of Human Genetics, établit un lien entre les gênes et l’immunité antivirale tout en proposant une nouvelle voie pour étudier cette relation dans d’autres contextes médicaux.

Repérer des corrélations

En 2001, la modélisation du génome humain, soit l'ADN complet d’une personne, a ouvert un réseau extrêmement complexe d’information génétique. Aujourd’hui, les biologistes ont des outils qui leur permettent d’étudier des génomes entiers à la place de gènes individuels, ce qui est très utile pour identifier quel gène ou groupe de gènes influence des fonctions biologiques complexes, comme l’immunité.

Un de ces outils est appelé «étude d’associations pangénomiques». Dans ces études, des ordinateurs scannent rapidement les génomes de plusieurs personnes pour repérer des variations génétiques liées à une fonction biologique particulière ou à une maladie.

Des virus et des génomes

Le laboratoire de Jacques Fellay à l’EPFL a réalisé une étude d’associations pangémoniques sur plus de 2000 personnes pour découvrir des éléments génétiques responsables de la réponse immunitaire aux virus. Cette étude, menée par le postdoc Christian Hammer, a analysé quatorze virus courants qui entraînent le développement d’anticorps après une infection ou une vaccination. Chacune des personnes testées a développé des degrés variables d’immunité contre chaque virus, ce qui peut être évalué en mesurant la présence et la concentration d’un anticorps spécifique dans le sang.

Armés de cette information, les scientifiques de l’EPFL ont alors observé les données génétiques de chaque patient pour trouver des corrélations entre environ 6 millions de variations courantes sur l'ensemble du génome et le degré de réponse immunitaire à chaque virus. Cette analyse complexe a généré des quantités de données qui ont été traitées par un système informatique spécialisé, dans les locaux du groupe Vital-IT à Lausanne.

Sur les quatorze virus, quatre ont retourné des réponses positives : le virus de la grippe A, le virus d'Epstein-Barr, le JC polyomavirus et le polyomavirus de Merkel. Il semble y avoir un lien étroit entre les réponses immunitaires à ces virus et les variations génétiques sur un groupe de gènes connus pour leur implication dans la réponse immunitaire aux virus.

Plus précisément, ces gènes, tous situés sur le même chromosome, produisent un groupe de protéines dont le rôle est de s’attacher aux virus et d’exposer des parties spécifiques de ceux-ci à nos cellules immunes, qui répondent en combattant le virus. Les variations génétiques sur les gènes influencent directement la structure des protéines, et ont au final un impact sur leur capacité à correctement exposer le virus et à déclencher une réponse immunitaire.

Curieusement, l’étude a aussi découvert que la même variation génétique peut influencer les réponses immunitaires différemment suivant le virus. Par exemple, une variation peut diminuer l’immunité contre la grippe A mais l'augmenter pour le virus d'Epstein-Barr. Ces mêmes variations sont déjà connues pour leur rôle dans les maladies auto-immunes qui peuvent être modulées par des virus.

Mais les chercheurs soulignent que, bien que cette étude montre des corrélations, elle n’implique pas de causalité, qui devra être étudiée dans le futur. Néanmoins, ce travail ouvre une voie nouvelle pour explorer, comprendre et peut-être stimuler l’immunité avec des traitements guidés par l’information génomique.

Cette étude a été financée par la Société Max Planck et le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Source :

Hammer C, Begemann M, McLaren PJ, Bartha I, Michel A, Klose B, Schmitt C, Waterboer T, Pawlita M, Schulz TF, Ehrenreich H, Fellay J. Amino Acid Variation in HLA Class II Proteins Is a Major Determinant of Humoral Response to Common Viruses. American Journal of Human Genetics 05 November 2015. DOI: 10.1016/j.ajhg.2015.09.008