La Suisse envoie du chocolat dans l'espace

L'astronaute Time Peake (UK), tenant un des chocolats et la carte offerts par la Suisse. (c)ESA

L'astronaute Time Peake (UK), tenant un des chocolats et la carte offerts par la Suisse. (c)ESA

Après la haute précision et la propreté, une autre valeur helvétique s’immisce dans le monde spatial: le chocolat au lait. Une boîte contenant six petites plaques de marque a récemment été offerte à chacun des astronautes en mission sur la Station spatiale internationale (ISS). Préparé par le Swiss Space Center, à l’EPFL, l’envoi a dû passer un long processus de vérifications.

Pour répondre aux exigences de la vie dans l’espace, quoi de mieux que les valeurs traditionnelles suisses? Après la haute précision technologique, dont sont équipés de nombreux instruments spatiaux, et le satellite nettoyeur de débris CleanSpace One - encore à l'état de projet -, le pays vient d’envoyer du chocolat en orbite. Chacun des six astronautes* actuellement en mission sur la Station spatiale internationale (ISS) a reçu, via le dernier vol de ravitaillement assuré le 8 avril par une fusée SpaceX, une boîte contenant six chocolats de marque. Réalisé au nom du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l'innovation (SEFRI), l’envoi a été minutieusement préparé et finalisé par le Swiss Space Center (SSC), à l’EPFL. L’astronaute britannique Tim Peake a fait parvenir hier une photo en guise de remerciement.

«Cette opération a été menée dans le cadre de la coprésidence, par la Suisse, du Conseil de l’Agence spatiale européenne, explique Volker Gass, directeur du SSC. Elle a pour but d’encourager et soutenir les astronautes dans leurs travaux, et ceci d’une manière symbolique qui représente bien l’esprit et la culture de notre pays.»

Or, envoyer des denrées dans l’espace, ce n’est vraiment pas du gâteau. Comme pour tout objet ou personne destinée à quitter l’atmosphère terrestre, des conditions strictes doivent être remplies et respectées. Pour preuve, les chocolats, conditionnés en septembre dernier, ont mis près de six mois pour enfin décoller. Non seulement parce que le lancement a été repoussé à plusieurs reprises depuis le début de l’année, mais aussi en raison du très long processus de qualifications et de vérifications dont ils ont dû faire l’objet.

Recette dévoilée

Tout d’abord, il était nécessaire d’obtenir l’accord de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, sur le principe de cet envoi. Une fois le feu vert accordé par les responsables du Centre des missions spatiales habitées (Human Spaceflights and Exploration), en Allemagne, il a fallu s’occuper de nombreux détails pratiques en collaboration avec le chocolatier - la société HUG, une entreprise artisanale située dans le canton de Lucerne.


La boîte de chocolats et la carte signée par Mauro Dell'Ambrogio, Secrétaire d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation, envoyées à chacun des six astronautes. (c)SSC

L’emballage a notamment dû être repensé afin de le rendre le plus sobre possible. «Aucun logo n’est autorisé sur les produits à destination de la station spatiale, celle-ci ne pouvant éthiquement pas être utilisée à des fins publicitaires», explique Martine Harmel, assistante au Swiss Space Center, qui s’est occupée de tous les aspects logistiques. Il a également fallu réorganiser les boîtes – enlever tous les papiers et cartons superflus - de sorte à en réduire le poids au maximum. Et surtout, le fabricant a dû fournir une liste complète et détaillée des ingrédients, dévoilant ainsi une partie de sa recette secrète.

Pas d’angles tranchants

Les boîtes ont ensuite été envoyées à l’ESTEC, le Centre européen de recherche et de technologies spatiales de l’ESA, situé aux Pays-Bas, dont l’un des buts principaux est de tester les satellites et leurs sous-systèmes en simulant les conditions qu’ils subiront lors de leur lancement puis une fois placés en environnement spatial.

«Tout objet destiné à l’ISS doit passer des tests pour être sûr que rien n’est inflammable, ne pourrait générer des morceaux qui s’éparpillent dans la cabine ou ne blesse l’un des astronautes», explique Bernd Rattenbacher, du Centre de compétences en recherche biomédicale et technologies spatiales de la Haute École de Lucerne.

À l’ESTEC, on s’est surtout assuré que les boîtes ne présentaient pas d’angles tranchants ou autres aspérités qui pourraient présenter un danger de blessures. Une fois que les boîtes ont obtenu cette certification, elles ont été envoyées à l’Aerospace Logistics Technology Engineering Company (ALTEC), un autre centre de l’ESA situé en Italie. Là, on s’occupe essentiellement de vérifier que le contenu du paquet correspond bien à ce qui est annoncé, ainsi que des documents de douane. Ensuite seulement, le paquet est transféré à la NASA, qui s’est chargée de l’acheminer sur l’ISS depuis le site de lancement de Cap Canaveral en Floride.

Il aura encore fallu une dizaine de jours après le lancement pour que les douceurs arrivent bien entre les mains des astronautes, très occupés à déballer les trois tonnes de nourriture, de matériel et d’expériences scientifiques que transportait le dernier cargo de ravitaillement. Le Centre européen des astronautes, une entité du Centre des missions spatiales habitées de l’ESA en Allemagne, a également reçu un appel de l’équipe de l’ISS, qui tenait ainsi à manifester sa gratitude pour cette savoureuse surprise.

*Timothy Kopra (USA), Timothy Peake (UK), Yuri Malenchenko (Ukraine), Jeff Williams (USA), Alexey Ovchinin (Russie), Oleg Skripochka (Russie).