La médaille Zener
Le professeur Gérard Gremaud a reçu la médaille Zener. Cette distinction récompense des contributions exceptionnelles dans le domaine de l’étude de la déformation des solides par spectroscopie mécanique.
L’anélasticité… Derrière ce terme se cache une notion de physique simple : c’est la caractéristique d’un objet élastique qui, après avoir été étiré, reprend sa forme initiale lorsqu’on le libère, mais avec un certain retard. Des mécanismes microscopiques de frottements internes en sont les responsables. Ce phénomène s’observe avec plus ou moins d’ampleur pour tous les matériaux élastiques, et on l’étudie par des techniques de spectroscopie mécanique. Dans ce domaine, la fameuse médaille Zener est remise tous les trois ans par l’International Conference on Internal Friction and Ultrasonic Attenuation in Solids (ICIFUAS). Gérard Gremaud, professeur au Laboratoire de physique de la matière complexe, est venu compléter une courte liste de lauréats célèbres. Sa technique originale de couplage acoustique et ses nombreux modèles théoriques ont permis des avancées considérables dans le domaine. Rencontre avec un physicien atypique.
Comment en êtes-vous arrivé à concevoir cette nouvelle technique de spectroscopie mécanique ?
J’ai toujours été très bricoleur. J’aime imaginer et construire des objets mécaniques ou des appareils électroniques, alors que je n’aime pas beaucoup les utiliser, par exemple pour faire les mesures. Je m’attache surtout à comprendre les choses. C’est ce qui a guidé ma démarche : la curiosité. Je suis tellement curieux de la matière que j’ai même hésité à devenir sculpteur. Dans le cas de la spectroscopie mécanique, il s’agissait de trouver un moyen de sonder un matériau en profondeur pour comprendre comment il se comporte à petite échelle. Pour y parvenir, nous avons appliqué simultanément au matériau étudié des déformations basse fréquence pour activer les phénomènes microscopiques responsables de la déformation et des ultrasons qui, à la façon d’une échographie, nous donnent des renseignements précieux sur ces mécanismes. Le défi consistait à concilier plusieurs domaines: l’acoustique, l’électronique, la cryogénie, les techniques du vide, la physique du solide, etc.
Quelle valeur accordez-vous à cette médaille ? Est-ce une forme d’achèvement ?
Elle a surtout une valeur sentimentale. Elle vient couronner les idées et l’approche que j’ai insufflées dans le domaine de l’étude de l’anélasticité. En étudiant le comportement des matériaux à l’échelle microscopique grâce à ma nouvelle technique de spectroscopie mécanique, mais en développant aussi des modèles théoriques pour interpréter les résultats, il m’a été possible de comprendre et de confirmer les mécanismes de nombreux phénomènes de frottements internes jouant un rôle important dans la déformation d’un objet.
N’est-il pas difficile de concilier l’interdisciplinarité, l’enseignement et la recherche ?
Garder un esprit ouvert est primordial. Intégrer différents savoirs, différents points de vue permet de découvrir de nouvelles pistes prometteuses. Partager ce savoir est tout aussi important. Je pense que tant qu’on ne l’a pas enseignée, on ne peut pas comprendre parfaitement une branche. (NDLR : Gérard Gremaud a souvent présenté des spectacles d’expériences de physique pour le public). Je poursuis d’ailleurs dans cette voie en écrivant maintenant une série de livres qui proposent une approche nouvelle et complètement originale du domaine de la physique des milieux déformables.
Liens :
http://personnes.epfl.ch/gerard.gremaud
http://mechanical-spectroscopy.epfl.ch/
http://www.icifms16.org/