L'eau du robinet, source d'énergie pour les villes
Installer des microcentrales hydrauliques dans les réseaux urbains de distribution d’eau pourrait aider les villes à couvrir leurs besoins toujours plus grands en énergie. Des chercheurs ont trouvé le moyen d’identifier l’ emplacement optimal pour l’implantation de turbines dans un réseau de canalisations – ville test : Lausanne – sans pour autant en sacrifier la fiabilité.
Conscients que les systèmes urbains de distribution de l’eau potable consomment 2 à 3% de l’énergie mondiale, les responsables politiques reconnaissent l’importance d’en améliorer l’efficacité. Installer des turbines dans les canalisations pourrait compenser une partie de l’énergie consommée. Des chercheurs ont développé une méthode permettant de déterminer un positionnement optimal pour ces turbines afin de maximiser la production d’électricité sans sacrifier pour autant la fiabilité et la pression du réseau hydraulique. Ils ont testé leur approche dans les canalisations de la ville de Lausanne, en Suisse, et publié leurs résultats dans le journal Water Resources Management.
Les réseaux de distribution d’eau fonctionnent sous pression. Or, même sur un terrain plat, cette pression est soumise à des variations. Sur certains sites - notamment dans le cas de villes bâties sur des collines -, elle peut dépasser les valeurs requises. Des chercheurs dirigés par Anton Schleiss proposent de récupérer cet excédent d’énergie en équipant les canalisations de petites turbines.
Reste toutefois à déterminer avec précision où placer ces turbines pour maximiser la quantité d’énergie produite, ce qui est loin d’être simple. «Les réseaux hydrauliques forment un quadrillage: en modifier un point peut avoir des répercussions sur toute la trame», explique Irène Samora, doctorante, qui a mené cette étude sous la supervision d’Anton Schleiss et de sa collègue Helena Ramos à Lisbonne. Pour corser encore les difficultés, le débit d’un réseau varie constamment durant la journée tandis qu’une pression minimale doit être maintenue en permanence.
Pour trouver ces emplacements, Irène Samora et les co-auteurs de l’étude ont eu recours à la simulation et à une méthode d’optimisation appelée «recuit simulé». Celle-ci s’inspire, de manière abstraite, de la façon dont les métaux chauffés sont lentement refroidis pour éviter la formation d’imperfections. «On commence par tester un premier positionnement des turbines et ensuite, nous y appliquons de petits changements aléatoires. Si ceux-ci améliorent la performance du système, nous les conservons. Quant aux autres, la plupart du temps, nous les écartons, mais en gardant tout de même quelques-uns. Et nous répétons ce processus jusqu’à parvenir à la meilleure solution », détaille Samora. Garder une partie des mauvaises solutions lui permet de s’assurer que l’algorithme explore la quasi-totalité du réseau de canalisations.
La jeune chercheuse a ensuite testé son approche en utilisant les mesures du débit de la ville de Lausanne prises toutes les heures pendant cinq ans. «Notre objectif était de déterminer la meilleure position pour installer trois turbines dans les 17 kilomètres du réseau souterrain de distribution d’eau de la ville.» Les emplacements les plus performants pour l’usage de trois turbines – sur plus de six millions de possibilités – lui permettraient de récupérer près de 5% de l’énergie nécessaire au pompage de l’eau dans la partie du réseau qu’elle a étudié.
Si cette partie du projet s’est concentrée sur le développement de l’algorithme d’optimisation, Irène Samora compte poursuivre son étude en utilisant des données sur des turbines réelles, mesurées au laboratoire. .«Notre prochain objectif est de déterminer l’impact économique actuel de la microproduction d’hydroélectricité dans les réseaux urbains de distribution d’eau», conclut-elle.