L'ancien Casino du Montreux Jazz comme si vous y étiez
Comment sonnaient les concerts donnés dans la salle historique du Festival de Jazz de Montreux avant son incendie en décembre 1971? Une installation de l’EPFL, inaugurée aujourd’hui, permet de s’y replonger en son et en image.
Le 4 décembre 1971, en plein concert de Frank Zappa, le Casino de Montreux s’embrasait – inspirant l’un des plus célèbres riffs de l’histoire du rock, celui de Smoke on the Water, de Deep Purple.
Cet incident a privé le Festival de Jazz de Montreux de sa salle principale, mais ne l’a pas empêché de se développer et d’attirer, année après année, les plus grands noms du jazz et du rock. Aujourd’hui, les grands concerts ont lieu dans l’Auditorium Stravinsky – une salle magnifique mais dont l’acoustique, pensent certains, se prête mieux à la musique classique.
Durant l’édition 2014 qui vient de commencer, les visiteurs du Montreux Jazz Festival peuvent participer à une expérience hors du commun. Une installation composée d’un écran et de multiples haut-parleurs leur permet de se replonger dans l’ambiance sonore et visuelle des premières années du Festival. Nom de code du projet: I.AM, pour "Immersive Archives of the Montreux Jazz".
L’artisan de ce voyage sensoriel est post-doctorant au Laboratoire de communications audiovisuelles (LCAV) de l’EPFL. Dirk Schröder a patiemment reconstruit, virtuellement, l’ancienne salle de concert. «Nous n’avions qu’une partie des plans architecturaux. Le reste a été reconstitué sur la base de photos et vidéos prises durant les premières années du festival ainsi que de témoignages», raconte-t-il.
Un véritable travail de bénédictin, qui a débouché sur la création d’un modèle 3D intégrant également les matériaux utilisés, le mobilier et même des spectateurs. «J’ai alors pu l’appliquer au logiciel que j’ai mis au point dans le cadre de ma thèse et qui permet de simuler des ambiances sonores en tenant compte de tous les paramètres : taille et forme de la pièce, disposition des haut-parleurs et de l’auditeur, capacité de réverbération des différentes surfaces, etc.».
Voyage sensoriel dans le passé
Pour transformer cette reconstitution en une véritable expérience pour le public et grâce aux archives du Festival, numérisées et conservées par l’EPFL, Dirk Schröder a réalisé une «simulation à vivre». Installés dans une petite salle, au milieu de 16 haut-parleurs et deux caissons de basses diffusant 17 pistes musicales différentes, neuf spectateurs sont invités à entendre un tube tout droit sorti des seventies – Give me the night, de George Benson – et un «bonus» surprise plus moderne, tels qu’ils les percevraient lors d’un concert donné dans l’ancien Casino. A l’écran, la caméra se déplace du fond de la salle jusque devant la scène, emmenant les spectateurs avec elle. Le son qu’ils entendent, basé sur des enregistrements réalisés l’an dernier à Montreux, correspond exactement à leur position virtuelle dans la salle disparue.
Le logiciel mis au point par Dirk Schröder se caractérise par une grande simplicité d’utilisation. Il fonctionne en temps réel et s’intègre parfaitement avec les outils informatiques standard des architectes qui, pour la première fois, pourront réaliser eux-mêmes la planification acoustique de leurs œuvres. Son auteur, qui est en train de créer une start-up, imagine déjà de nombreuses applications – par exemple la génération d’ambiances sonores particulières pour le cinéma, la réalité virtuelle et augmentée ou encore la production musicale. Pour l’heure, c’est à un voyage dans le temps qu’il invite les festivaliers.