L'analyse d'un double impact dévoile le cœur de l'astéroïde Vesta

Représentation de l'impact d'une météorite sur Vesta. Image: Pascal Coderay

Représentation de l'impact d'une météorite sur Vesta. Image: Pascal Coderay

Les simulations numériques reproduisant des collisions entre corps célestes permettent d’en déduire la structure intérieure et de mieux comprendre le développement de notre système solaire. Une étude menée entre Berne, l’EPFL, la France et les Etats-Unis paraît aujourd'hui en couverture de «Nature».

Demain, vendredi 15 février, l'attention de la communauté scientifique sera tournée vers 2012 DA14, un astéroïde de 45 mètres qui frôlera la Terre à une altitude inférieure à celle de nos satellites géostationnaires. Sans dommages, en principe, ce qui fait qu'il devrait vite être oublié.

Pas comme l’astéroïde Vesta, une véritable star de la planétologie. Avec ses 500 kilomètres de diamètre, il est l’un des trois plus gros éléments évoluant au sein de la ceinture d’astéroïdes, qui s’est formée en même temps que le système solaire, il y plus de quatre milliards d’années. Vesta est considéré comme un précurseur de planète, une protoplanète. C’est en outre le seul astéroïde connu composé – telle la Terre – d’une structure comportant un noyau, un manteau et une croûte.


Une simulation numérique reconstitue des collisions entre astéroïdes
L’astrophysicien Martin Jutzi, du Center for Space and Habitability (CSH) de l’université de Berne, a reconstitué en détails, à l’aide de simulations numériques 3D, comment Vesta est entré en collision avec deux autres astéroïdes, il y a plus d’un milliard d’années. Les modèles sont formels: les impacts ont induit la forme elliptique de la protoplanète et dessiné sa topographie, apprend-on dans une étude qu’il a réalisée en collaboration avec des scientifiques de l’EPFL, de France et des USA, présentée aujourd’hui en couverture de la célèbre revue «Nature».

Ces modèles permettent de surcroît pour la première fois de tirer des déductions sur la composition et les propriétés de la structure interne de Vesta. « En étudiant la nature et la répartition des débris éjectés lors de l’impact, nous pouvons reconstituer précisément les différentes couches internes qui composent l’astéroïde », explique Philippe Gillet, directeur du Laboratoire de sciences de la Terre et des planètes de l’EPFL.



Les couleurs indiquent la profondeur dont sont issus les débris éjectés par l'impact. A gauche, l'hémisphère sud.

Les numérisations révèlent des propriétés cachées
Jusqu’à ce jour, les observations faites avec le télescope spatial Hubble laissaient soupçonner un gigantesque cratère au pôle Sud de Vesta. En orbite autour de l’astéroïde entre l’été 2011 et 2012, la sonde «Dawn» de la NASA a apporté de nouvelles images et mesures et permis de constater, entre autres, que l’immense dépression au pôle Sud de Vesta est en réalité composée de deux cratères partiellement superposés.

Basées sur ces nouvelles informations, les simulations numériques ont démontré comment deux collisions successives entre Vesta et deux autres corps célestes ont pu conduire à la formation de ces cratères. Ceux-ci recouvrent presque tout l’hémisphère sud de Vesta. Les modèles divulguent la taille (66 et 64 kilomètres de diamètre), la vitesse (5,4 kilomètres par seconde) et l’angle d’impact des corps entrés en collision avec Vesta, dévoilant ainsi les caractéristiques des objets qui se trouvaient, il y a un milliard d’années, dans les parages de la protoplanète.

Reproduite dans le simulateur, cette double collision génère bel et bien des images qui correspondent à celles de la mission «Dawn». Les modèles reproduisent même exactement les structures en spirale recouvrant l’intérieur du cratère le plus récent et visibles sur les prises de vue de la mission Dawn. «Ceci démontre la fiabilité de notre méthode», se réjouit Martin Jutzi. «Cela prouve aussi la pertinence de notre approche pour connaître la composition des structures internes de Vesta, renchérit Philippe Gillet. La simulation nous montre en effet que certains des débris ont été éjectés de profondeurs allant jusqu’à 100 kilomètres. »

Ces nouvelles méthodes contribuent à une meilleure compréhension de la formation de notre système solaire, celle-ci découlant principalement des collisions entre corps célestes. «Notre méthode permet une exploitation particulièrement édifiante des données collectées au cours de missions spatiales», conclut Martin Jutzi.