Interview du professeur Jan Hesthaven

© 2014 EPFL

© 2014 EPFL

Jan Hesthaven est le directeur académique du SCITAS. Un nouveau service de gestion des ressources informatiques qu’il a lui-même développé lorsqu’il enseignait à Brown, la prestigieuse université de Rhodes Island. Selon lui, ce projet est essentiel dans un monde ou la complexification informatique devient la norme. Rencontre avec le nouveau professeur et responsable de la chaire de mathématique computationnelle et de science de la simulation de l’EPFL (MCSS).

Professeur Hesthaven, en quoi l’EPFL a-t-elle besoin du SCITAS ?


Toutes les plus grandes écoles luttent actuellement avec le même problème. Toujours plus de disciplines nécessitent une puissance de calcul informatique élevée et les chercheurs passent plus de temps à comprendre comment utiliser le hardware, faire des backups ou s’assurer que le logiciel fonctionne correctement plutôt que de faire de la recherche. Par exemple, vous et moi n’avons pas à nous occuper du fonctionnement de notre boite email. Il existe des gens qui le font pour nous. C’est un gain de temps considérable.


Vous venez de terminer votre premier semestre à l’EPFL. Comment définiriez-vous votre travail ici ?


Je suis ce qu’on appelle un mathématicien de l’informatique (computational mathematician). Je développe des méthodes ou des logiciels qui permettent de simuler des systèmes physiques ou d’ingénierie. Le but de mon travail consiste à ce que l’image ou le résultat produit par ma simulation soit le bon et qu’il ne soit pas nécessaire de faire des expériences physiques pour arriver à un résultat correct.


Quels sont les disciplines qui font appels à la réalisation de tels modèles informatiques ?
Il y en a de toutes sortes et c’est ce qui rend mon travail si fascinant. C’est totalement multidisciplinaire. Dans ma carrière, j’ai été amené à développer des méthodes de simulation informatique pour des disciplines comme la finance, l’optique, l’électromagnétique, les débits de crue, la relativité générale ou encore les trous noirs ! Mes compétences ne concernent pas l’application en elle-même, mais le modèle qui la soutient. Donc tout ce que je fais a un rapport direct avec un problème réel et concret.


La question éthique se pose-t-elle parfois ?


C’est une question difficile, car dans mon travail, presque tous les modèles que je développe peuvent potentiellement avoir un bon et un mauvais côté. Il m’est déjà arrivé de refuser un projet car il était évident que le modèle mathématique que j’aurai été amené à réaliser pouvait aussi bien être utilisé pour une bonne cause qu’une mauvaise. Les motivations de mon interlocuteur n’étaient pas claires et je lui ai simplement dit que cela ne m’intéressait pas. Mais en ce qui me concerne, ces cas sont rares car je ne suis pas citoyen américain et il y a tout un monde auquel je n’ai jamais eu accès.


Est-ce que revenir en Europe a été un choix difficile ?


Pas du tout ! Mais je n’étais pas malheureux pour autant aux Etats-Unis. C’est juste que venir travailler à l’EPFL et s’installer à Lausanne nous a semblé être, à ma femme et à moi-même, une opportunité très intéressante. Je viens du Danemark et ma femme d’Allemagne, alors après 18 ans passés aux Etats-Unis, on s’est dit que c’était une bonne occasion de revenir en Europe et retrouver le style de vie européen.


Et pourquoi la Suisse ?
Nous nous sommes promis avec ma femme de ne pas aller habiter dans l’un de nos pays d’origine. Nous voulions un environnement neutre. La Suisse nous a semblé toute indiquée (rire).