Genevois et Vaudois se déplacent toujours autant… mais plus longtemps

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Dans les deux cantons, la voiture est en perte de vitesse et le temps de déplacement croît. Loisirs et achats motivent plus de la moitié des trajets.

Depuis plus de deux décennies, les politiques favorisent les trajets en transports publics et la mobilité douce. Aujourd’hui, les comportements attestent de leur efficacité. Les dernières données de l’Office fédéral de la Statistique (OFS), finement épluchées et analysées par des chercheurs de l’EPFL pour les cantons de Genève et Vaud, montrent que leurs habitants renoncent de plus en plus à la voiture au profit des transports publics, de la marche ou du vélo. Pour autant, ils parcourent toujours autant de kilomètres, et en plus de temps.

«Le résultat de notre travail est une photographie particulièrement détaillée de la mobilité des habitants des deux cantons et des grandes évolutions enregistrées depuis 2000. Une analyse qu’aucun autre canton en Suisse n’a entreprise à ce jour», souligne Sébastien Munafò, coordinateur de l’étude. Celle-ci visait à analyser les chiffres 2010 du Microrecensement Mobilité et Transports de l’OFS et à les comparer avec ceux de 2000 et 2005.

Une heure et demie par jour à se mouvoir
Les principaux résultats soulignent plusieurs tendances communes aux deux cantons lémaniques. D’abord un recul global de la voiture. La part des ménages sans voiture augmente (un sur 4 GE, un sur 5 VD) et cette tendance devrait s’accentuer du fait que les jeunes passent plus tard le permis de conduire et même parfois y renonce totalement. Chez les 18-25 ans, presque un enquêté sur deux ne possède pas le sésame (48% GE, 42% VD).

Les déplacements, qui ne diminuent guère, s’opèrent du coup davantage en transports publics (TP) et avec les modes doux. Le nombre de détenteurs d’abonnement TP a augmenté de 16 points entre 2000 et 2010 (un sur 2 à GE, 46% pour VD). En outre, la marche à la cote, et représente 37% des déplacements des Genevois (+8 points en 10 ans) et 31% des Vaudois (+6 points). «En ville de Genève, la marche et le vélo représentent désormais à eux deux, la majorité des déplacements des habitants (52%), confirmant l’importance de la mobilité douce dans cette partie dense du canton», appuie Sébastien Munafò chercheur au Laboratoire de Sociologie Urbaine (EPFL) et à l'Observatoire Universitaire de la Mobilité (UNIGE). Genève détient du reste la palme suisse de la part des marcheurs.

Dans les deux cantons, chaque habitant passe en moyenne près d’une heure et demie (83 minutes) par jour à se mouvoir. Ce chiffre augmente alors que les distances moyennes quotidiennes parcourues (avion exclu), 31km à Genève et 41km dans le canton de Vaud, sont plutôt en baisse par rapport à 2000. Pour Vincent Kaufmann, directeur du LaSUR, cette tendance s’explique par la congestion routière, la complexification des déplacements réalisés avec les TP et un recours plus important aux modes doux, allongeant en moyenne le temps de parcours.

Les loisirs toujours en tête
Le Microrecensement révèle aussi que les habitants des deux cantons, comme en 2000 et 2005, continuent de se déplacer essentiellement pour… les loisirs! Ce motif représente 38% des déplacements. «Le temps libre représente, en réalité, une grande partie de notre vie et donc de nos déplacements. L’augmentation générale de la part des retraités dans la population accroît cette importance, souligne Sébastien Munafò. En outre, même si les déplacements domicile-travail occupent beaucoup l’esprit, ils excèdent rarement le nombre de deux par jour, cinq fois par semaine.» Après le motif loisirs, suivent au coude à coude, les déplacements pour achats dont la part augmente et le travail: les premiers représentent 23% à Genève (21% VD), le second 22% dans le canton de VD (20% GE). La multiplication des points d’achats ouverts le soir et le dimanche, par exemple dans les gares et les stations-services, n’y serait pas indifférente, estiment les chercheurs.

Pour se rendre au travail, les Genevois délaissent la voiture au profit de la mobilité douce (marche et vélo) dont la part passe de 23 à 31% en dix ans. Ils se sont cependant aussi rabattus sur les deux-roues motorisés dont la part a plus que doublé chez les habitants de la couronne suburbaine (7% à 15%). Chez les Vaudois, les tendances sont similaires, même s'ils privilégient davantage le train dont la part double pour atteindre 7% (+4 points) des déplacements domicile-travail.

Les Genevois deviennent des pendulaires
Cette étude, coordonnée par le Centre de Transport de l’EPFL, souligne enfin les singularités cantonales. Ainsi, Genève qui depuis longtemps attire les pendulaires, voit aujourd’hui sa population, et particulièrement celle du centre-ville, sortir de ses pénates pour travailler dans la couronne suburbaine et la métropole lémanique.

Dans le canton de Vaud, l’autre mandant avec les Transports publics lausannois, on remarque que Lausanne et sa proche couronne ont énormément profité du renouvellement de l’offre de transport public, entre 2005 et 2010, accentuant la démotorisation, l’augmentation de l’usage des TP et la mobilité douce. «Les Vaudois accueillent très favorablement toute amélioration de l’offre en transports publics, si bien que certaines lignes régionales ou grandes lignes deviennent victimes de leur succès aux heures de pointe», souligne Christian Liaudat, responsable des projections de la mobilité au sein du Service de la mobilité de l'État de Vaud.


Auteur: Anne-Muriel Brouet

Source: EPFL