Filtrer le chrome toxique de l'eau
Des chimistes de l’EPFL Valais Wallis ont développé des sortes d’éponges qui peuvent capturer un élément donné dans une solution, comme l’or, le mercure ou le plomb. Ce sont des cristaux poreux appelés « metal–organic frameworks », qui peuvent désormais filtrer dans l’eau une substance toxique appelée chrome hexavalent.
Dans le monde, les contaminations d’eau au chrome hexavalent surviennent de manière récurrente. En février dernier, une société américaine était condamnée pour avoir exposé ses employés à des risques. Cette substance est considérée comme extrêmement toxique, particulièrement si elle est inhalée ou ingérée. En Europe et dans de nombreux autres pays, son usage fait l’objet d’une régulation. Il s’agit d’un génotoxique présumé, qui entraînerait des dommages à l'ADN et la formation de tumeurs cancéreuses.
A l’EPFL, des chimistes développent actuellement des procédés durables du point de vue énergétique, pour extraire de l’eau les contaminants — en l’occurrence, le chrome hexavalent. Leurs résultats sont publiés aujourd’hui dans Journal of Materials Chemistry A.
« L’un des plus grands défis de notre époque est de garantir l’accès à une eau de qualité, explique l’auteure principale Wendy Queen, directrice du Laboratoire de matériaux fonctionnels inorganiques. Parmi nos efforts pour améliorer la santé humaine globale et le bien-être environnemental, il est important que nous développions des procédés énergétiquement efficaces pour retirer rapidement les contaminants de l’eau. »
Wendy Queen et ses collègues ont conçu un matériau analogue à une éponge, qui peut capturer des éléments donnés dans une solution. Il s’agit en fait de cristaux, connus sous le nom de « metal–organic frameworks » (MOFs). Les scientifiques peuvent ajuster ces structures cristallines pour qu’elles retiennent une substance particulière.
Ces matériaux sont extrêmement poreux. La surface totale contenue dans un seul gramme de MOF peut être aussi importante que celle d’un terrain de football. La substance à extraire entre dans les pores du matériau et se fixe à la surface interne, suivant un processus appelé « adsorption ».
Auparavant, les scientifiques avaient montré que leurs matériaux adsorbaient efficacement d’autres substances en solution, comme l’or, le mercure ou le plomb. Par exemple, un gramme de MOF peut retenir presque un gramme d’or. En collaboration avec le chercheur de l’EPFL Berend Smit et le doctorant Bardiya Valizadeh, Wendy Queen a maintenant démontré qu’il était possible d’extraire de l’eau du chrome hexavalent. Un gramme de MOF peut filtrer environ 208 milligrammes de chrome hexavalent, lequel est relativement léger. De plus, exposé à la lumière, le MOF transforme cette substance hautement toxique en chrome trivalent, relativement peu dangereux.
Il faudra des travaux supplémentaires pour implémenter cette technologie hors du laboratoire et l’appliquer à la décontamination de l’eau.
« Le point fort de nos éponges, c’est qu’elles sont plutôt faciles et bon marché à produire, conclut Wendy Queen. La prochaine étape sera de les tester à plus grande échelle. »
Par exemple, les scientifiques estiment que le coût de fabrication de 1kg de MOFs est de 15 CHF, alors que 1 kg d’or vaut environ 55 000 CHF.
Journal of Materials Chemistry A
A novel integrated Cr(VI) adsorption–photoreduction system using MOF@polymer composite beads†
DOI: 10.1039/d0ta01046d