Faire survivre un cancer du sein pour mieux le combattre

Immunohistochimie sur tissu de cancer du sein à récepteurs du hormone positif d’un xénogreffe intracanalaire, teinté pour les réseaux de collagène fibrillaire © G. Sflomos/EPFL

Immunohistochimie sur tissu de cancer du sein à récepteurs du hormone positif d’un xénogreffe intracanalaire, teinté pour les réseaux de collagène fibrillaire © G. Sflomos/EPFL

Des scientifiques de l'EPFL ont développé un modèle animal pour le cancer du sein qui reproduit fidèlement la maladie humaine. Testé sur des tissus mammaires, il apparaît comme le modèle cliniquement le plus réaliste à ce jour pour le cancer du sein.

Le cancer du sein est la cause de mortalité liée au cancer la plus courante dans le monde, qui touche une femme sur huit. Il en existe différents types, dont l’un représente presque trois quarts de toutes les tumeurs du sein : celui qui présente des récepteurs d’oestrogènes – ce qui le rend très souvent résistant à l'hormonothérapie. Malgré leur fréquence élevée, ces tumeurs pourvue de récepteurs d’oestrogènes ont été difficiles à étudier parce que les animaux sur lesquels les médicaments sont testés sont souvent non-pertinents sur le plan clinique. Publiant leurs travaux dans Cancer Cell, les scientifiques de l'EPFL ont développé le modèle animal le plus fidèle sur le plan biologique en matière de cancer du sein à récepteurs d’oestrogènes. Leur modèle a été testé sur des tissus du sein humain dans un contexte pré-clinique.

Environ 90% des nouveaux médicaments anticancéreux échouent. La raison en est, entre autres, que les animaux sur lesquels ces médicaments sont essayés ne traduisent souvent pas la complexité biologique des cancers humains qu'ils sont supposés représenter. Cette inadéquation biologique suscite fréquemment des résultats qui semblent encourageants au premier abord. Pourtant le médicament échoue, et la recherche se retrouve donc à la case départ.

Certains des meilleurs modèles animaux pré-cliniques pour le cancer du sein sont obtenus par l’injection de tumeurs cancéreuses humaines du sein dans les tissus adipeux des mamelles de l’animal, ou dans ses flancs – l’animal étant en général une souris. Néanmoins, ces modèles animaux – nommés «xénogreffes dérivées de patients» – représentent insuffisamment les tumeurs du sein les plus fréquentes et mortelles, ce fameux type à récepteurs d’oestrogènes. La raison en est qu'après leur injection dans l'animal, les cellules tumorales meurent fréquemment et ne réussissent pas à proliférer.

Le laboratoire de Cathrin Brisken à l'EPFL vient de développer la première xénogreffe capable de mieux représenter la biologie des tumeurs du sein à récepteurs d’oestrogènes chez les humains. Le post-doctorant George Sflomos et ses collègues ont montré que les canaux lactifères sont la clé du développement physiologique de ce type de tumeurs, car elles offrent aux cellules injectées un environnement plus favorable pour croître et proliférer que la voie conventionnelle (les coussins adipeux mammaires et les flancs). En injectant des cellules provenant d'une tumeur à récepteurs d'oestrogènes dans les canaux lactifères de la souris, les chercheurs ont pu, pour la première fois, améliorer le taux de survie des cellules tumorales.

Pour mettre à l'épreuve leur nouvelle idée de greffe, l'équipe a d’abord obtenu une lignée de cellules de cancer du sein et des tissus tumoraux de patientes souffrant de cancer du sein à récepteurs d'oestrogènes, puis les ont injectés directement dans les canaux lactifères de souris. Les résultats furent remarquables: tous les nouveaux modèles de xénogreffes testés ont reproduit fidèlement les véritables tumeurs des patientes en termes d'histopathologie et même de biologie moléculaire.

«Avec cette découverte, le cancer du sein et la progression des métastases deviennent accessibles à l’étude», dit George Sflomos. «Nous pouvons désormais étudier des facteurs cruciaux, tels que l’action des hormones et les réponses moléculaires aux thérapies, et cela pour la première fois dans un contexte pertinent. Mais plus important encore, ce modèle ouvre de nouvelles pistes non seulement pour le développement, mais aussi pour l’évaluation des traitements du cancer du sein.»

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Ce travail a impliqué la collaboration de l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer de l’EPFL (ISREC), du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne, et de l’Université de Tartu (Estonie). Il a été financé par le Septième programme-cadre de recherche et de développement technologique de l’Union Européenne (Innovative Medicines Initiative Joint Undertaking/PREDECT consortium), la European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations, Oncosuisse, et le Fonds national suisse de la recherche scientifique.

Référence

Sflomos G, Dormoy V, Metsalu T, Jeitziner R, Battista L, Scabia V, Raffoul W, Delaloye J-F, Treboux A, Fiche M, Vilo J, Ayyanan A, Brisken C. A preclinical model for ERα-positive breast cancer points to the epithelial microenvironment as determinant of luminal phenotype and hormone response.Cancer Cell 14 March 2016. DOI: 10.1016/j.ccell.2016.02.002