Etape décisive dans le stockage des déchets radioactifs

Maquette du tunnel de stockage pour les éléments combustibles usés. © LMS/EPFL, Lab. sout. Mt Terri

Maquette du tunnel de stockage pour les éléments combustibles usés. © LMS/EPFL, Lab. sout. Mt Terri

Une recherche de l’EPFL permet de mieux connaître les sites qui accueilleront les déchets radioactifs issus des centrales nucléaires suisses et contribue à définir les emplacements répondant aux exigences de sûreté et de faisabilité technique.

«Plus un conteneur de déchets radioactifs est implanté en profondeur dans la roche, plus la sûreté de son stockage augmente, mais plus sa faisabilité technique devient complexe. J’ai dû soupeser ces deux éléments dans ma thèse, tout en réfléchissant sur le très long terme», explique Valentina Favero.

Chercheuse au Laboratoire de mécanique des sols (LMS), l’ingénieure civile a présenté sa thèse avec succès le 16 janvier dernier. Elle en assurera la soutenance publique le 3 mars prochain à l’EPFL. «Les résultats de cette thèse seront utilisés dans le cadre de la procédure de sélection des sites de stockage pour déchets radioactifs en Suisse», commente son co-directeur de thèse, le professeur Lyesse Laloui, directeur du LMS. «Ce travail aura donc une très importante portée scientifique et un fort impact sociétal.»

En 2008, six régions d’implantation potentielles ont été proposées par la Nagra, la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs, puis approuvées par le Conseil fédéral. Cette sélection a été ensuite affinée par la thèse de Valentina Favero ces dernières années pour aboutir à la proposition finale de deux régions, celles de Zurich nord-est et du Jura Est (Argovie). Ces deux sites présentent selon la chercheuse les conditions adéquates en matière de sûreté et de faisabilité technique pour abriter autant un dépôt de déchets fortement radioactifs que de faible activité. Les premiers sont issus des centrales nucléaires suisses, les seconds, de la médecine, de la recherche et de l’ingénierie. En plus de contribuer à identifier des emplacements adaptés au stockage de ces déchets, la thèse de Valentina Favero servira à étudier les sites retenus par le Conseil fédéral plus en détails lors de la prochaine étape du processus de sélection. Cette étude a obtenu le soutien financier de la Nagra.

Etude détaillée de l’argile à Opalinus

Concrètement, comment la chercheuse a-t-elle mené son enquête? Sachant que les déchets radioactifs seront implantés dans de l’argile à Opalinus, la roche d’accueil de référence en Suisse, Valentina Favero s’est en premier intéressée à ses propriétés. Elle a ainsi observé les caractéristiques de cette roche à différentes profondeurs de la Terre pour les six localisations présélectionnées. Un travail fastidieux, chaque profondeur présentant des propriétés différentes. La chercheuse a dû tenir compte de tous les types de comportements physiques, mécaniques et chimiques de cette roche, observer notamment sa réaction face à la chaleur dégagée par les conteneurs de déchets radioactifs. Idem pour les matériaux entourant les conteneurs, dont la bentonite, qui sont susceptibles de réagir face à la chaleur soit en se compactant, soit en se dilatant. Idem, encore, pour la composition chimique du liquide présent dans les pores de la roche, qui peut venir à se modifier en présence de chaleur. D’autres réactions hydrauliques ont dû être étudiées, notamment celle de la «succion», soit la tendance des roches à réduire leur volume lorsqu’elles sont partiellement gorgées d’eau. Pour comprendre l’impact de tous ces phénomènes risquant de laisser filtrer les radiations, la chercheuse a dû patiemment les entrecroiser. C’est l’un des aboutissements principaux de sa thèse.

Désaturation et convergence

«Plus nous nous éloignons de la surface du sol, plus la roche sera rigide et imperméable et représentera donc un barrière solide entre nous et les déchets radioactifs. Mais avec la profondeur augmentent également les difficultés techniques», indique la chercheuse. Ainsi, le percement du tunnel visant à déposer le conteneur de déchets radioactifs aura lui-même un impact sur le comportement des roches. La doctorante a donc aussi analysé les réactions des matériaux lors des différentes étapes de cette réalisation: «Les roches situées à la sortie du tunnel seront exposées à l’atmosphère, ce qui provoquera un phénomène de désaturation: l’eau qui y était stockée s’évaporera en partie. Cette sécheresse peut entraîner à son tour une fissuration des matériaux, ce qui pourrait en augmenter la perméabilité, alors que des roches imperméables sont nécessaires pour assurer un confinement efficace», explique l’ingénieure civile. Cet aspect a aussi été analysé en détails et les risques inhérents évalués. Autre phénomène étudié: la redistribution des forces causée par l’excavation du tunnel, appelée «convergence», c’est-à-dire la tendance du tunnel à se refermer sur lui-même. Or, plus le tunnel est situé à une grande profondeur, plus les phénomènes de convergence seront marqués.

En prenant en compte tous ces paramètres, Valentina Favero a permis à la Nagra non seulement de sélectionner les deux sites les plus adéquats pour le stockage des déchets radioactifs en Suisse, mais aussi de déterminer le niveau de profondeur le plus sûr et techniquement réalisable pour l’entreposage de leurs conteneurs en acier.

Soutenance publique de la thèse le 3 mars 2017, bâtiment BM, salle 5202, 17h30.
Inscriptions: http://doodle.com/poll/78wd2da7x8gz47ur

Référence:

"Multiphysical behaviour of shales from Northern Switzerland”, Valentina Favero, sous la direction de Lyesse Laloui et Alessio Ferrari, 2017.


Auteur: Sandrine Perroud

Source: EPFL