Et si toutes les voitures étaient électriques?

© Alain Herzog/EPFL

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Série d'été travaux d'étudiants - Cihan Cavdarli a analysé les impacts d’un parc automobile tout électrique en Suisse. La demande en électricité de la Suisse augmenterait alors d’un quart, mais l’électromobilité apporterait un certain nombre d’avantages socio-économiques et environnementaux.

Il y a un siècle, la Suisse décidait d’électrifier les chemins de fer. Exit le charbon, sa pollution et notre dépendance énergétique. Et si l’on décidait aujourd’hui de passer à l’électrique pour toutes nos voitures? L’air serait plus pur, mais quel serait l’impact sur la demande d’électricité, l’emploi ou la fiscalité? Pour son master en Gestion de l’énergie et durabilité, Cihan Cavdarli s’est attaqué à la question.

Premier constat: en Suisse, un parc automobile totalement électrique ferait grimper la demande totale en électricité de 19 à 24%, selon les scénarios. Un chiffre dissuasif? Pas du tout, si l’on considère l’équation dans sa globalité. Pour mesurer l’impact du développement de la mobilité électrique, Cihan a pris en considération quantité d’autres paramètres économiques, environnementaux, technologiques ou fiscaux. «Hormis quelques cas extrêmes, d’un point de vue global, les impacts positifs du développement de la mobilité électrique surpassent les impacts négatifs», conclut l’étudiant du Centre de l’énergie.

Dans la perspective d’une sortie du nucléaire, deux scénarios ont en effet été retenus. L’un considère une haute empreinte carbone, avec un remplacement de l’énergie atomique par du gaz. L’autre repose sur une faible empreinte carbone, avec une substitution du nucléaire par des énergies renouvelables. «Ce scénario est d’ailleurs le plus favorable à la mobilité électrique», souligne Cihan.

Il s’est basé sur les scénarios élaborés par l’Institut de recherche Prognose. Il a aussi utilisé le calculateur énergétique Swiss-Energyscope, développé par le Centre de l’énergie, pour estimer la production marginale d’électricité, c’est-à-dire la source du kWh supplémentaire pour alimenter les voitures électriques, dans chaque scénario.

L’étudiant a par ailleurs pris en compte la consommation d’énergie primaire (avant transformation, stockage ou transport) pour les deux types de véhicule, thermique ou électrique. Et là, misant sur l’amélioration de l’efficience énergétique, la consommation d’énergie primaire de la mobilité électrique diminuera. En fonction des scénarios, la baisse atteindrait entre 16 et 23% à l’horizon 2035. On atteint l’équilibre.

Taxer les véhicules électriques?
Le bénéfice est aussi environnemental. Les véhicules privés représentent aujourd’hui 25% des émissions de CO2. Selon les scénarios, cette part tomberait, dans la meilleur des cas, à 5% (avec une seconde vie pour les batteries) et dans le pire à 10%. En outre, avec seulement un tiers de véhicules électriques, les émissions d’oxyde d’azote diminueraient déjà de moitié.

Fiscalement, l’affaire semble plus délicate, sachant que la taxe sur les carburants fossiles représente aujourd’hui 8% des revenus fiscaux de la Confédération. «Sans le report de l’impôt sur les huiles minérales sur les véhicules électriques, les revenus fiscaux vont baisser», avance Cihan. Mais l’impact sera moindre. D’une part, les moteurs thermiques sont de plus en plus performants – donc la consommation tend à diminuer. D’autre part, le pays réalisera des économies sur les importations de carburants. Les économies seront d’autant plus importantes que l’énergie viendra de sources renouvelables produites localement.

Enfin, si l’on regarde au niveau du porte-monnaie, posséder un véhicule électrique n’est aujourd’hui pas encore intéressant. Mais à l’horizon 2020, la voiture électrique atteindra le coût du véhicule à essence. Pour autant que l’Etat n’introduise pas de taxe sur les véhicules électriques… ou, à l’inverse, que le prix du baril ne remonte pas à 180 dollars.