Des vers qui stimulent le système immunitaire

L' helminthe de souris, H. polygyrus © 2015 Nicola Harris/EPFL

L' helminthe de souris, H. polygyrus © 2015 Nicola Harris/EPFL

Le système immunitaire peut se souvenir des envahisseurs qui l’infectent. Des chercheurs de l’EPFL montrent comment la mémoire immunitaire déclenche la réparation des tissus corporels endommagés lors d’infections par des vers. Cette étude pourrait permettre d’améliorer les médicaments vermifuges, voire de créer des traitements favorisant la cicatrisation.

Les helminthes sont des vers parasitaires qui infectent actuellement 2 milliards d’individus dans le monde et menacent le bétail. Une fois dans le corps, ils se déplacent à travers la peau, les poumons, le foie et les intestins, causant d’énormes dégâts tissulaires. Pour contrer cette attaque, le système immunitaire de l’hôte déclenche une réponse inflammatoire qui emprisonne les larves en migration, mais peut également provoquer une fibrose dangereuse des tissus. Or, des scientifiques de l’EPFL ont désormais découvert que non seulement le corps, mais aussi les helminthes eux-mêmes ont la capacité de provoquer une rapide cicatrisation des plaies, susceptible de protéger les tissus vulnérables de l’hôte. Publiée par PLoS Pathogens, cette découverte pourrait aider à développer des stratégies plus efficaces de traitement des infections helminthiques et de leurs blessures.

Les helminthes causent des dégâts considérables lorsqu’ils s’insinuent dans les tissus. Une fois infecté, le corps soigne rapidement les tissus touchés afin de stopper les saignements internes. Même si elle est bien documentée, la relation entre ce type de vers et le système immunitaire restait jusqu’ici un mystère. Sachant que les infections helminthiques dépassent la tuberculose et la malaria en termes de nombre de malades, mieux les comprendre pourrait avoir un fort impact sur la santé, et conduire à des traitements novateurs ou améliorés.

Or, le laboratoire de Nicola Harris de l’EPFL a justement permis d’y voir plus clair en démontrant que la mémoire immunitaire – sous la forme d’anticorps – et les helminthes travaillaient ensemble à promouvoir une cicatrisation rapide, évitant des aggravation pouvant mener à la malnutrition et à des défauts cognitifs. Pour leur étude, les chercheurs ont utilisé des souris dont le système immunitaire a été rendu déficient par ingénierie génétique. Puis les ont infectées avec un helminthe répandu chez les rongeurs.

Un patient infecté, puis protégé

L’étude montre que l’intestin des souris au système immunitaire déficient ne parvient pas à emprisonner de manière appropriée les larves d’helminthes migrantes ou à guérir les blessures qu’elles causent. Cela signifie que le système immunitaire de l’hôte prend bel et bien part au processus de cicatrisation à la suite d’une infection aux helminthes. Mais le plus étonnant, c’est que ce processus de réparation des plaies est également soutenu par les vers eux-mêmes. Ceux-ci libèrent en effet une molécule qui déclenche une cascade longue et complexe d’événements moléculaires menant à l’activation des cellules immunitaires, qui commencent alors à réparer les blessures infligées par ces mêmes helminthes.

Cette étude met ainsi en lumière le double rôle joué par les helminthes et les anticorps pour réparer les tissus. On peut toutefois se demander pour quelle raison les parasites ont intérêt à déclencher les défenses de leurs hôtes. Les auteurs suggèrent qu’il s’agit ici un exemple typique de coévolution, où l’agent infectant et l’hôte ont évolué ensemble pour assurer la survie de chacun. De cette manière, les vers et le patient parasité évitent des dégâts tissulaires importants.

Cette cohabitation ne tient toutefois pas sur la durée. Des études ont également montré que cette réponse protectrice pouvait mener au final à un type de fibrose du foie. Une fois étendue, celle-ci compromet le fonctionnement de l’organe. Cela signifie donc qu’il faut trouver des traitements efficaces capables de perturber la relation entre les helminthes et leur hôte. Cette découverte pourrait conduire à une toute nouvelle génération de traitements, soit pour combattre la cicatrisation induite par les vers, soit pour soigner les plaies consécutives à leur intrusion.

Cette étude est une collaboration entre l’Institut de Santé Globale de l’EPFL, l’Université technique et le Centre Helmholtz de Munich, le Centre médical de l’Université de Leiden, le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et le Département de l’agriculture des Etats-Unis.

Source

Esser-von Bieren J, Volpe B, Sutherland DB, Bürgi J, Verbeek JS, Marsland BJ, Urban Jr JF, Harris NL. Immune Antibodies and Helminth Products Drive CXCR2-Dependent Macrophage-Myofibroblast Crosstalk to Promote Intestinal Repair.PLoS Pathogens March 25, 2015. DOI: 10.1371/journal.ppat.1004778



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L' helminthe de souris H. polygyrus © 2015 Nicola Harris/EPFL
L' helminthe de souris H. polygyrus © 2015 Nicola Harris/EPFL

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