Des tourbillons dans la formule d'Einstein

© 2011 Alain Doyon

© 2011 Alain Doyon

Comment se comporte une particule microscopique dans un liquide ? Publiés dans Nature, de nouveaux résultats permettent d’ajuster la formule d’Einstein utilisée jusque-là pour décrire cette situation. Cette avancée ouvre la voie à de nouvelles applications notamment en biologie.

Un grain de pollen déposé dans de l’eau semble s’agiter aléatoirement, c’est ce qu’on appelle le mouvement brownien. Le pollen est frappé de tous les côtés par les molécules d’eau, ce qui le fait frémir. A l’inverse, à notre échelle, un nageur peut avancer en ligne droite en continuant dans le sens de son impulsion, aussi grâce aux tourbillons qu’il laisse dans son sillage. Pour la première fois, les physiciens ont observé et mesuré l’effet de ces tourbillons à l’échelle microscopique. Ils montrent ainsi que la viscosité de l’eau ne freine pas complètement les impulsions des molécules d’eau données au pollen. Comme Einstein le supposait déjà en 1905, sa formule du mouvement brownien est à ajuster.


C’est en observant à très grande vitesse l’ombre de la particule sur un détecteur que les scientifiques ont montré l’existence des tourbillons formés par une particule en mouvement dans un liquide. Ces vortex minuscules se dissipent déjà après cinq microsecondes. Une équipe du Laboratoire de physique de la matière complexe a mesuré ces tourbillons pour mieux les comprendre. « Le tourbillon se dissipe en fonction de la taille de la particule qui le crée et de la densité et de la viscosité du liquide », explique Sylvia Jeney.


Une pince optique


Le défi était de mesurer les caractéristiques de ces vortex. Pour y parvenir, les physiciens ont utilisé ce qu’ils appellent une pince optique. Grâce à un laser, ils peuvent maintenir de très petits objets, comme une particule dans un liquide, comme si la particule était maintenue par un ressort. En mesurant la vibration de la particule contre le ressort, ils peuvent constater que le vortex amplifie fluctuations de la particule. A l’inverse, il est possible de déterminer certaines propriétés de la particule à partir du vortex, comme sa taille ou sa forme. Un peu comme si en observant le sillage d’un nageur, on pouvait en déduire sa taille ou sa morphologie.


Entre biologie et capteurs

Ces développements sont porteurs d’espoirs pour plusieurs domaines. « En biologie, les échanges entre la cellule et son environnement se font dans un liquide, par exemple des protéines ou des virus qui passent à travers sa membrane », commente Sylvia Jeney. Les applications dans la recherche du vivant sont donc nombreuses. Par ailleurs, les micro-capteurs utilisés dans un milieu visqueux manquent actuellement de précision. Ils sont utilisés notamment pour tester les interactions entre un médicament dans un liquide et diverses molécules fixées sur un micro support. Ces derniers pourront être optimisés grâce à ces résultats.


Sources :
Resonances arising from hydrodynamic memory in Brownian motion, Thomas Franosch, Matthias Grimm, Maxim Belushkin, Flavio M. Mor, Giuseppe Foffi, Laszlo Forro & Sylvia Jeney, Nature, 05.10.2011
DOI : 10.1038/nature10498
Direct observation of the full transition from ballistic to diffusive Brownian motion in a liquid, Rongxin Huang, Isaac Chavez, Katja M. Taute, Branimir Luki, Sylvia Jeney, Mark G. Raizen and Ernst-Ludwig Florin, NaturePhysics, 27.03.2011
DOI: 10.1038/NPHYS1953

Lien :
http://lpmc.epfl.ch/


Auteur: Nicolas Guérin

Source: EPFL