Des technologies au service de la formation professionnelle

Démonstration de l'application Static AR qui permet aux apprenti·es de visualiser et comprendre les forces agissant sur la structure d'un toit. 2017 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Démonstration de l'application Static AR qui permet aux apprenti·es de visualiser et comprendre les forces agissant sur la structure d'un toit. 2017 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0

Depuis plus de 15 ans, l’EPFL effectue des recherches dans l’objectif d’améliorer la formation des apprenties et apprentis. Un livre et un site à l’usage du corps enseignant viennent d’être publiés, et le développement d’outils numériques pour la formation professionnelle se poursuit.

Au menu des spécialités suisses, entre la fondue, la ponctualité des trains et le savoir-faire horloger, se glisse «la formation professionnelle initiale». Soit un système d’apprentissage sur 3 ou 4 ans qui permet à la sortie de l’école obligatoire d’apprendre un métier dans une entreprise tout en suivant des cours dans une école professionnelle. «Dans le discours officiel suisse, le système d’apprentissage ne se situe pas très loin de Roger Federer», relève avec humour Pierre Dillenbourg , professeur à l’EPFL et responsable durant 15 ans de la leading house Dual-T, dans le livre Educational Technologies for Vocational Training: Experiences as Digital Clay qui vient de sortir.

Un ouvrage qui fait le bilan de 15 ans de recherches sur le développement de technologies numériques pour la formation professionnelle. Des recherches que l’EPFL a menées en partenariat avec la Haute école fédérale de formation professionnelle de Lugano et l’Université de Fribourg. En ligne de mire, la volonté de créer un pont entre l’entreprise et l’école. «Le système de formation professionnelle se fait en silo et il manque un lien entre ce que les jeunes apprennent aux cours et le travail qu’ils réalisent en entreprise. C’est pourquoi nous avons développé le concept d’Erfahrraum qui consiste grâce à des outils digitaux à amener l’expérience d’entreprise en classe», note Pierre Dillenbourg.

La technologie comme valeur ajoutée

Avec cet objectif, les équipes de recherche ont notamment développé la plateforme « Realto » qui permet aux apprenties et apprentis de télécharger des photos et des films, de les annoter et d’échanger avec leurs maîtres de classe et d’apprentissage. Elles ont également élaboré plusieurs outils utilisant la réalité virtuelle pour pouvoir effectuer des manipulations impossibles dans la réalité ou offrir une meilleure compréhension de phénomènes invisibles à l’œil nu. Ainsi la Tinkerlamp, un système de projection qui, associé à une maquette tangible, permet de réfléchir à la manière d’optimiser l’organisation d’un entrepôt ou encore l’application Static AR développée pour visualiser et comprendre les forces qui agissent sur la structure d’un toit.

Le système de formation professionnelle se fait en silo et il manque un lien entre ce que les jeunes apprennent aux cours et le travail qu’ils réalisent en entreprise. C’est pourquoi nous avons développé le concept d’Erfahrraum qui consiste grâce à des outils digitaux à amener l’expérience d’entreprise en classe

Pierre Dillenbourg, professeur à l'EPFL et responsable durant 15 ans de la leading house Dual-T

«Utiliser la technologie pour imiter la réalité n’est pas très intéressant. Nous nous sommes donc demandés comment la technologie pouvait apporter une valeur pédagogique ajoutée. Mais aucun des outils n’est magique, cela dépend de l’usage que l’enseignant en fait», souligne Pierre Dillenbourg. Ainsi, dans la foulée du projet Dual-T, le site eduscenarios.ch vient d’être créé. Il propose aux enseignantes et enseignants de formation professionnelle des activités d’apprentissage utilisant les technologies pour renforcer le lien entre les cours et le quotidien des apprenties et apprentis auprès de leur employeur. «Nous avons imaginé 14 scénarios simples à reproduire et adaptables. Il était important pour nous que ces activités soient accessibles à n’importe quel enseignant intéressé », explique Richard Lee Davis. Le postdoctorant au laboratoire d’ergonomie éducative CHILI a supervisé la conception du site et des scénarios. Chacun d’entre eux se décline en un résumé, une description de l’approche pédagogique, une recette pour sa mise en place, une liste des outils numériques qui peuvent être utilisés et une rubrique «trucs et astuces».

Coaching numérique

Par ailleurs, l’EPFL continue la recherche en faveur des apprenties et apprentis sous l’égide du Digital Vocation, Education and Training (D-VET) Hub, dirigé par la professeure Tanja Käser, responsable du laboratoire d’intelligence artificielle pour l’éducation (ML4ED). L’équipe du D-Vet Hub a par exemple élaboré plusieurs simulations interactives pour permettre d’expérimenter en classe sur des situations complexes qui peuvent se dérouler dans le milieu professionnel. Ainsi ChemLab simule un laboratoire virtuel avec des composants modifiables, HeatingSim un système de chauffage solaire dont les réglages peuvent être adaptés et PharmaSim une pharmacie virtuelle dans laquelle un client doit être conseillé.

«Notre objectif est de créer des outils innovants qui peuvent être utilisés à large échelle dans les écoles suisses, explique Thiemo Wambsganss, postdoctorant au ML4ED. Pour élaborer ces outils nous travaillons en partenariat avec un large réseau d’enseignantes et d’enseignants, et afin de les améliorer, nous utilisons des méthodes de machine learning pour étudier leur impact sur l’apprentissage.» Le chercheur a notamment élaboré WritingTutor, un chatbot personnalisable qui donne un feedback individuel sur la qualité argumentative d’un texte. Un outil dont la recherche a montré un effet positif sur l’expérience d’apprentissage.

Notre objectif est de créer des outils innovants qui peuvent être utilisés à large échelle dans les écoles suisses. Pour élaborer ces outils nous travaillons en partenariat avec un large réseau d’enseignantes et d’enseignants

Thiemo Wambsganss, postdoctorant au laboratoire d’intelligence artificielle pour l’éducation

Dans la même veine, le collaborateur scientifique a aussi participé à la création du système RELEX (Recipe Learning through Exemples) dans lequel les apprenties et apprentis peuvent écrire une recette et avoir un retour personnalisé sur les points à améliorer. «Une étude menée sur 200 personnes a montré qu’un retour adaptatif conduit à une meilleure performance dans l'écriture procédurale et à une meilleure expérience utilisateur», relève Thiemo Wambsganss. Le défi est désormais d’amener un nombre toujours plus grand d’enseignantes et d’enseignants de formation professionnelle à s’intéresser aux potentiels pédagogiques qu’offrent les environnements numériques d’apprentissage. «Notre rôle est d’innover, de montrer l’étendue des possibles. En plus de 15 ans de recherche, j’ai pu constater une ouverture d’esprit par rapport aux outils numériques et observer que nos travaux ont influencé la politique fédérale liée à la formation professionnelle », conclut Pierre Dillenbourg.


Auteur: Laureline Duvillard

Source: EPFL

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