Des sucres et des graisses en guise de loyer

© Déodat Manchon

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Des chercheurs ont observé comment des micro-algues fournissent des substances nutritives prélevées dans l’eau de mer ambiante aux récifs de corail qui les hébergent. Un mécanisme qui alimente un écosystème fragile et menacé.

Les récifs de coraux sont un peu la jungle des océans. Ils sont souvent de très prolifiques sites de pêche et des hauts-lieux du tourisme. Or, leur survie dépend en grande partie des micro-algues qu’ils hébergent. Ils entretiennent des relations complexes et fragiles avec ces organismes, que la pollution ou le moindre changement de température de l’eau peut faire disparaître. Ce n’est qu’aujourd’hui que les milieux scientifiques commencent à comprendre les mécanismes de cette symbiose au niveau moléculaire. Dans le journal mBio, des chercheurs de l’EPFL, de l’Université de Lausanne, du Musée d’histoire naturelle et de l’Aquarium tropical de Paris présentent leurs découvertes sur la manière dont des substances nutritives sont collectées par les algues et amenées aux coraux.

Charles Darwin a été le premier à le décrire. C’est pourquoi on l’appelle aujourd’hui le paradoxe darwinien: les récifs de coraux prospèrent dans des eaux pratiquement dépourvues de substances nutritives. Nous savons aujourd’hui que cela n’est rendu possible que par la présence de ces minuscules algues qui, grâce à la photosynthèse, utilisent la lumière du soleil pour produire la nourriture dont leur hôte a besoin. En retour, les coraux offrent un abri et d’autres nutriments à ces micro-organismes.

«Dans cette étude, nous observons le mécanisme cellulaire qui régit les récifs, c’est-à-dire la capacité de ces algues à extraire le carbone de l’eau et à le stocker sous forme de sucres et de graisses», explique Anders Meibom, chercheur principal et directeur du Laboratoire de géochimie biologique. Pour la première fois, Christophe Kopp, chercheur pour ce même laboratoire, a pu visualiser comment, au niveau cellulaire, l’algue utilise la photosynthèse pour produire ces sucres et graisses puis les administre aux coraux.

Le scientifique a découvert qu’il suffisait de quelques minutes seulement à ces algues, une fois exposées à la lumière du soleil, pour convertir le bicarbonate présent dans les eaux ambiantes en sucres, puis en graisses. Ces dernières sont transmises aux coraux dans les 2-3 heures qui suivent. Elles peuvent être observées dans le tissu corallien sous la forme de petites gouttes de lipides. Les coraux en tirent l’énergie nécessaire à de nombreuses fonctions physiologiques.

Christophe Kopp a également mis au jour un autre processus de stockage du carbone, sous la forme de granules de glycogène. Alors que les gouttes lipidiques sont observées dans le tissu corallien, le glycogène, source d’énergie immédiatement disponible, se trouve principalement dans le tissu exterieur des coraux. Là, une structure semblable à des cheveux, le cilia, s’agite dans l’eau pour favoriser l’échange de nutriments.

En étudiant des échantillons de coraux cultivés à l’Aquarium tropical de Paris, le chercheur a pu observer en direct le flux de substances nutritives des eaux ambiantes aux coraux, en passant par les algues. Pour ce faire, il a utilisé deux techniques d’imagerie. L’une consistait en un nanomètre de résolution spatiale (TEM). La deuxième permet de détecter la présence de minuscules concentrations de marqueurs atomiques (nanoSIMS).

Ces résultats sont essentiels pour comprendre l’impact du blanchiment des coraux sur l’écosystème des récifs. Un blanchiment provoqué par une disparition massive des algues suite à un stress de type environnemental, tel qu’un changement de température ou d’acidité de l’eau. Laissés à eux-mêmes, les coraux ne peuvent pas générer suffisamment de nourriture et finissent par mourir. Pour la suite, les scientifiques comptent utiliser leurs techniques d’imagerie pour étudier l’effet de ces changements environnementaux sur les micro-algues et leurs hôtes corallien.


Auteur: Jan Overney

Source: EPFL


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