Des skis inspirés des écailles de tortue

© thinkstock

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Elaborés en partie par l’EPFL, de nouveaux skis sont capables de changer de rigidité selon les mouvements du skieur. La technologie utilisée s'inspire des écailles de tortue.

Quels skis faut-il adopter pour dévaler les pentes avec un maximum de plaisir ? Idéalement, un ski devrait pouvoir tenir de fortes pressions dans les virages, mais aussi offrir une grande maniabilité. Or ces caractéristiques sont propres à deux types de skis différents: rigides ou souples, eux-mêmes destinés à deux types de skieurs: experts ou intermédiaires. Une nouvelle gamme de skis inspirés des écailles de tortue propose une solution deux en un, qui réunit les deux caractéristiques à la fois. Les nouveaux skis se rigidifient dans les virages, pour améliorer l'accroche sur la neige, mais se montrent en même temps très dociles en entrée et en sortie de virage. Baptisée «turtle shell», cette technologie est le fruit d’une collaboration entre l’EPFL, l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches de Davos (SLF) et la marque suisse de skis Stöckli.

L’idée de se baser sur la morphologie de la tortue a germé dans la tête de la chercheuse Véronique Michaud, du laboratoire de technologie des composites et polymères de l’EPFL, alors qu’elle assistait à un séminaire sur les matériaux bio-inspirés. «Les écailles de la tortue sont imbriquées entre elles, à l’image d’un puzzle, et liées par un polymère», explique la chercheuse. « Lorsque les tortues respirent, les écailles s’écartent légèrement, et la surface est souple. Mais lorsqu’un choc survient, la carapace se bloque et se rigidifie. J’ai tout de suite pensé que l’on pourrait implémenter ces caractéristiques dans un ski. » La réflexion de Véronique Michaud s’est concrétisée à travers un projet de la Commission pour la technologie et l'innovation (CTI) d’une année, en partenariat avec l’entreprise Stöckli.


Pour reproduire ce phénomène naturel, de nombreuses études ont été menées. Finalement, la plus efficace consistait à placer à l’intérieur du ski une plaque d’aluminium dotée d’une fente en forme de serpent, à des endroits précis à l’avant et à l’arrière du ski. Lorsque le ski se plie dans un virage, les plaques de chaque côté de la fente s’imbriquent entre elles, et le ski se rigidifie, ce qui permet d’effectuer des virages précis et stables. A la sortie du virage, la fente dans la plaque s’écarte légèrement, le ski redevient souple, et il est possible de conduire le ski avec une grande finesse. «Ici, l’aluminium se comporte comme les écailles, et une couche spéciale en caoutchouc entre les couches représente le polymère de la carapace», illustre Véronique Michaud.

Ancien skieur professionnel de vitesse, Michl Leitner a essayé les skis lors d’une journée test, en compagnie de la skieuse Tina Maze, double championne olympique. «Nous avons été agréablement surpris», témoigne-t-il. « Le déclenchement du virage est devenu plus facile. La pression augmente progressivement sur la carre lors du virage, et on a une énorme adhérence, ainsi qu’une grande stabilité », commente-t-il. «La facilité avec laquelle la construction s’imbrique et se défait m’a impressionné.»

La nouvelle gamme de ski, en vente depuis le mois de mars, a été pensée aussi bien pour des skieurs moyens, qui cherchent à déclencher des virages sans trop d’efforts, que pour des skieurs aguerris, qui pourront tirer le meilleur parti du ski.

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Illustration prise de: Artful interfaces within biological materials


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL