Des rubans de graphène pour «lire» l'ADN

© EPFL

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Il est possible de détecter la trace du passage de bases d’ADN à travers un trou de taille nanoscopique. Des chercheurs de l’EPFL ont trouvé le moyen de perfectionner cette technique en utilisant un matériau aux propriétés exceptionnelles – le graphène.

Pour dénombrer une foule, on peut se livrer à des estimations à la volée, forcément très imprécises, ou demander à chaque individu de passer à travers un petit couloir terminé par un tourniquet. C’est un peu sur ce modèle que des chercheurs de l’EPFL sont parvenus à créer un « lecteur d’ADN » capable de détecter individuellement le passage des bases de la longue molécule génétique à travers un trou minuscule – un nanopore doté d’un transistor de graphène.

Diluées dans un liquide ionique, les molécules d’ADN que l’on veut étudier sont poussées par un champ électrique à travers une membrane pourvue d’un tel orifice. Lorsque la molécule traverse le nanopore, elle crée une infime perturbation dans le courant ionique, ainsi que dans le courant qui traverse le transistor. C’est sur la base de cette information qu’il est possible de savoir si une molécule d’ADN a traversé la membrane ou pas.

Un tiers de nanomètre d’épaisseur
Ce dispositif s’appuie sur une méthode connue depuis une douzaine d’années, mais qui souffre d’un certain nombre de défauts – pores qui se bouchent et manque de précision, entre autres. « Nous avons pensé qu’on résoudrait ces problèmes en créant une membrane aussi fine que possible, tout en assurant la solidité du trou », explique Aleksandra Radenovic, du Laboratoire de biologie à l’échelle nanométrique de l’EPFL. Avec des collègues du Laboratoire d’électronique et de structures à l’échelle nanométrique, elle s’est arrêtée sur le matériau qui, aujourd’hui, se révèle à la fois le plus solide et le plus résistant : le graphène, qui se compose d’une seule couche de molécules de carbone.

« Par un étonnant hasard, reprend la chercheuse, l’épaisseur de cette couche de graphène correspond exactement à l’écartement que l’on observe entre deux bases d’ADN, soit 0,335 nm – contre 15 nm pour les matériaux utilisés jusqu’ici. » Alors que ces « longs » tunnels – à l’échelle moléculaire – ne permettaient pas d’analyser individuellement le passage des bases composant l’ADN, la nouvelle méthode est susceptible d’offrir une précision largement supérieure. A terme, elle pourrait donc être appliquée pour procéder à un séquençage.

On n’en est toutefois pas encore là. Jusqu’à 50'000 bases d’ADN peuvent traverser les pores en 5 millisecondes ; le signal électronique en sortie n’est pour l’heure pas encore assez net pour pouvoir « lire » la séquence en direct au passage du brin d’ADN. « La possibilité de détecter le passage de l’ADN en utilisant un ruban de graphène est toutefois une première, et ouvre d’importantes perspectives », assure Aleksandra Radenovic, soulignant qu’un même dispositif peut par exemple aussi détecter le passage de protéines et donner des informations sur leur taille ou leur forme.

Cette étape cruciale vers de nouvelles méthode d’analyse moléculaire est décrite dans un article publié ce jour dans Nature Nanotechnology (link to DOI : 10.1038/NNANO.2013.240).