Des micros pour analyser le trafic sur les routes

© Alain Herzog / EPFL 2013

© Alain Herzog / EPFL 2013

Poser de simples microphones au bord d’une route pour un décryptage automatique du trafic routier : c’est la mission remplie avec succès par un doctorant de l’EPFL. Son projet intéresse déjà les villes de Sion et Martigny.

Le bruit du trafic routier est une véritable mine d'information pour les spécialistes de la mobilité. Doctorant au sein du Laboratoire d'électromagnétisme et acoustique (LEMA), Patrick Marmaroli en a fait la preuve: il a démontré à l'aide de deux microphones placés au bord d'une route, que le son produit par l'interaction entre les pneus et la chaussée permettait de déduire le débit du flux des véhicules, leur vitesse et même la catégorie à laquelle ils appartiennent (break, petite voiture, camion, etc.). Des informations extrêmement utiles, qu'il s'agisse d'avertir les automobilistes en cas de surcharge de trafic, de prédire les pics de pollution ou encore d'adapter les infrastructures routières futures de manière adéquate. «Aujourd'hui, plusieurs instruments sont nécessaires pour obtenir ces paramètres. S'il veut connaître le nombre de véhicules, leur type et leur vitesse, l'ingénieur acousticien doit compléter les mesures de bruits effectuées au sonomètre avec celles provenant d'autres appareils tels que des radars, des caméras vidéo ou des tubes pneumatiques, indique Patrick Marmaroli. Or la synchronisation et le traitement de ces données hétérogènes coûte cher et prend du temps. Nous proposons de remplacer ces procédés par un seul instrument de mesure, qui fournit toutes les données de façon synchronisée et dans un même format.»

Une méthode simple qui cache des algorithmes complexes
Léger et non-intrusif, le dispositif imaginé par le scientifique se compose de deux micros espacés à une distance idéale, ainsi que d'un ordinateur, qui recèle une méthode de calcul complexe. «Les premiers essais ont été effectués sur PC, mais il est tout à fait imaginable de développer un appareil compact dans le futur». L'enregistrement se concentre sur une zone de quelques mètres, et dure environ quatre secondes par véhicule. Il s'agit de détecter une automobile, de la suivre en temps réel, et d'en estimer la vitesse. Il est aussi possible de trouver l'écartement entre les roues avant et arrière (empattement), ce qui donne une bonne indication de la catégorie à laquelle le véhicule appartient. Le son est ensuite transformé en image, et une courbe plus ou moins pentue apparaît sur l'écran, selon que le véhicule est rapide ou non.

Distinguer le trafic des bruits environnants
Pour une détection et un suivi optimaux des véhicules, le chercheur effectue ce que l'on pourrait appeler du «tracking» acoustique. Un algorithme intelligent basé sur des probabilités et des a priori permet de se focaliser sur le bruit des véhicules, sans prendre en considération les sons parasites (avion, tracteur ou un piéton en balade). Une sélection qu'il n'est pas possible de faire avec un sonomètre traditionnel, qui enregistre tout. L'algorithme part en effet du principe qu'une voiture lancée à 80 km/h en ligne droite a peu de chances de s'arrêter en une seconde, pour repartir dans l'autre sens à la même vitesse. L'autre piste sonore appartient donc à un autre véhicule, et n'est pas prise en compte. Cela permet ainsi d'analyser plusieurs automobiles en temps réel, sans mélanger les pistes.

Vitesse et empattement grâce à la présence de plusieurs micros
La présence des deux microphones permet quant à elle de calculer tous les autres paramètres. Le bruit produit par les pneus du véhicule parvient en effet d'abord au premier, puis au deuxième micro, avec un léger décalage temporel. Au fur et à mesure que le véhicule se déplace, l'évolution de ce décalage est analysée par séquences, à l'aide d'une méthode de Monte-Carlo. Il est ainsi possible d'obtenir la position et la vitesse du véhicule.

L'analyse des pistes audio sur chaque microphone s'est avérée si précise qu'il est également possible de déduire la distance entre les roues avant et arrière des véhicules. Le tout avec une précision d'environ 30 cm, « ce qui reste inférieur au diamètre d'une roue », précise Patrick Marmaroli.

Les villes bientôt équipées de microphones ?
Effectuées aux alentours du campus de l'EPFL dans un premier temps, ces mesures constituent une première dans le monde de la mobilité. Deux villes valaisannes, Sion et Martigny, ont déjà montré leur intérêt pour cette technique. Les négociations pour le suivi et le financement du projet sont en cours. « A terme, cette méthode pourrait aussi être utilisée dans d'autres domaines, tels que la métrologie aérienne, ferroviaire ou industrielle», imagine Patrick Marmaroli. En attendant, le scientifique doit encore soutenir sa thèse publiquement. Cette présentation aura lieu le 15 février (17 heures, salle ELA 2 de l'EPFL).