Des feux et des limites de vitesse pour faire sauter les bouchons
Gérer les accès aux bretelles d’autoroute et modérer la vitesse sur les voies rapides permet de réduire de plus de 12% les retards sur l’ensemble du réseau, ont montré des chercheurs de l’EPFL.
En 30 ans, le trafic sur la plupart des autoroutes suisses a plus que triplé. Sur l’A1, il est même passé de 20'000 à près de 90'000 véhicules par jour, entre Lausanne et Genève. Les conséquences se mesurent au quotidien par des kilomètres de bouchons et ralentissements. Une des stratégies prônées pour y remédier consiste à réguler les accès à l’autoroute par un système de feux de signalisation au niveau des bretelles (ramp metering). Des chercheurs du Laboratoire des systèmes de transports urbains (LUTS) proposent d’associer à cette mesure une réduction de la vitesse sur certains tronçons autoroutiers. Les simulations menées sur des portions de l’A1 entre Lausanne et Genève confirment la pertinence de cette stratégie globale.
Les feux de signalisation pour gérer les bretelles d’accès existent depuis plus d’un demi-siècle et sont utilisés largement, le plus souvent avec succès, en Allemagne, aux Etats-Unis ou encore en Australie. Mais la Suisse n’est pas un pays comme les autres: les voies d’accès à l’autoroute y sont très courtes et souvent cousues aux limites des centres urbains. Dans ce contexte, ralentir l’accès à l’autoroute par des feux de signalisation risque de propager la congestion au réseau secondaire.
L’équipe du LUTS, dirigée par Nikolas Geroliminis, a donc imaginé de combiner ce système avec des limites de vitesse variables sur les voies rapides. L’objectif de cette recherche, menée en collaboration avec l’Office fédéral des routes et coordonné par le Centre de Transport de l’EPFL, était d’évaluer l’efficacité de ce couple de mesures.
Des détecteurs ont été installés sur l’A1, dans le sens Lausanne-Genève ainsi que sur trois rampes d’accès (entrées et sorties): Gland, Nyon et Coppet. Les données ont été complétées par des comptages manuels, des détecteurs du système de limitation de vitesse variable et des séquences vidéo dans les zones des bretelles d’entrée de Coppet et Nyon.
Egalité de traitement pour tous les usagers
Après avoir harmonisé et trié les données, les chercheurs ont élaboré un algorithme de régulation de trafic s’appuyant sur un découpage en zones de l’autoroute et dans lequel sont considérées des limitations de vitesse variables. La consigne était de traiter de manière équitable les usagers présents sur l’autoroute, ceux qui désirent y entrer et ceux qui empruntent le réseau secondaire.
Toute la difficulté de l’exercice a consisté à construire l’algorithme afin de conserver des niveaux de densité sur toutes les rampes en-dessous des seuils de congestion et de prévenir l’apparition de vitesses basses sur l’autoroute. Lorsqu’il n’est pas possible de maintenir les voies sous le seuil de congestion, l’algorithme cherche à retarder autant que possible le dépassement de ces seuils. Pour cela, il utilise la capacité de «stockage» encore disponible sur les rampes d’accès à proximité du point d’engorgement.
30% de retard en moins sur l’autoroute
Et ça marche! Les chercheurs ont testé l’algorithme sur un modèle de micro-simulation pour le tronçon étudié de l’A1. Il réussit à ralentir la survenue des engorgements, à accélérer le retour à la normale suite à des épisodes de congestion et à améliorer les performances globales sur l’autoroute et les rampes d’accès et de sortie. Avec cette stratégie de contrôle, le retard total sur l’autoroute diminue d’environ 30%; sur l’ensemble du réseau, les retards sont diminués de 12% environ. Enfin, les effets de la régulation sur les usagers n’empruntant pas l’autoroute sont faibles. «Cela suggère que cette nouvelle stratégie est très efficace dans la mesure où elle ne réduit pas seulement les retards sur les bretelles mais aussi sur l’ensemble du réseau sans pénaliser ceux qui n’utilisent pas l’autoroute», résume l’étude. Et de conclure que «la stratégie proposée, menée de manière globale et coordonnée, réduit davantage les queues sur les rampes que des stratégies de ramp metering isolées et localisées.»
Un test de terrain permettrait de mieux comprendre le potentiel d’une telle stratégie pour les autoroutes suisses.