Des circuits avec pistes reconfigurables bientôt d'actualité

© 2015 thinkstock

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Des circuits multitâches capables de se reconfigurer en temps réel, et de changer de fonction selon les besoins. Telle est l'application prometteuse liée à une découverte faite à l'EPFL, et publiée dans Nature nanotechnology. A la clé : la miniaturisation de nos appareils électroniques, et le développement de circuits résilients.

Sera-t-il un jour possible de reconfigurer les puces électroniques à volonté, et ce même lorsqu'elles sont en train de fonctionner ? La découverte récente d'une équipe de l'EPFL va en tous cas en ce sens. Les chercheurs ont démontré qu'il était possible de créer des pistes conductrices larges de quelques atomes dans un matériau, de les déplacer à volonté et même de les faire disparaître. Leurs recherches ont fait l'objet d'une publication dans Nature nanotechnology.

L'électronique adaptable suscite beaucoup d'intérêt dans la communauté scientifique, car les applications sont nombreuses. Imaginons un instant qu'une seule puce soit capable d'accomplir les tâches de plusieurs circuits différents. Un circuit dévolu à traiter les informations sonores, pourrait par exemple, quand il n'est pas utilisé dans ce but, servir à traiter des images. De quoi miniaturiser nos dispositifs électroniques.

En parallèle, il deviendrait possible de développer des circuits résilients. Lorsqu'une puce est endommagée, elle pourrait théoriquement se reconfigurer, afin de fonctionner en utilisant les parties encore valides qui la composent. «Une méthode efficace pour faire fonctionner des dispositifs défaillants, qui se trouvent dans des environnements hors d'atteinte, comme dans l'espace, par exemple», illustre Leo Mc Gilly, premier auteur de la publication.

Derrière cette technologie prometteuse se trouvent des matériaux dits «ferroélectriques», dans lesquels il est possible de créer des pistes conductrices flexibles. Ces pistes sont générées en appliquant un champ électrique sur le matériau. Plus précisément, sous l'effet du champ électrique, certains atomes centrauxse déplacent soit «en haut» ou «en bas», ce qui s'appelle la polarisation. Depuis quelques années, le monde académique a remarqué qu'entre ces zones polarisées se formaient des pistes conductrices larges de quelques atomes appelées «parois». Seul problème, il était jusqu'ici impossible de maîtriser le développement de ces pistes.


A l'EPFL, les chercheurs ont démontré qu'il était possible de contrôler la formation des parois sur une couche mince de matériau ferroélectrique, et donc de créer des pistes à volonté à des endroits donnés. L'astuce repose sur la fabrication d'une structure en sandwich, avec à l'extérieur des composants de Platine, et à l'intérieur un matériau ferroélectrique. «En appliquant des champs électriques localement sur la partie métal, nous avons pu créer des pistes à différents endroits, les déplacer mais aussi les détruire, avec un champ électrique inversé», explique Leo Mc Gilly. Des électrodes peu conductrices ont été utilisées pour entourer le matériau ferroélectrique. Ce qui veut dire que la charge électrique se diffuse très lentement dans sa structure, permettant de contrôler l'endroit où il est appliqué. «Si on utilise des matériaux fortement conducteurs, la charge se répand rapidement et les parois se créent de manière aléatoire dans le matériau.»

Pour l'heure, les chercheurs ont testé leurs recherches sur des matériaux isolés. La prochaine étape consiste à développer un prototype de circuit reconfigurable. Leo McGilly va même plus loin. «Le fait de pouvoir générer des pistes à volonté pourrait nous permettre d'imiter les phénomènes qui se déroulent à l'intérieur du cerveau, avec la création régulière de nouvelles synapses. Cela pourrait se révéler utile pour la reproduction du phénomène d'apprentissage dans un cerveau artificiel».

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Plus d'informations: Controlling domain wall motion in ferroelectric thin films/ Nature nanotechnology
Laboratoire de céramique


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL