Des chercheurs dévoilent l'origine d'une synapse géante

En vert, un Calice de Held englobe le neurone © EPFL / Schneggenburger

En vert, un Calice de Held englobe le neurone © EPFL / Schneggenburger

Comment pouvons-nous localiser les sons dans l’espace? Des chercheurs mettent au jour un mécanisme à l’origine de la formation de synapses géantes dans le cerveau, à même de traiter efficacement les informations auditives.

Les êtres humains et la plupart des mammifères peuvent situer les sons dans l’espace avec une remarquable acuité. Nous en faisons quotidiennement l’expérience, en traversant un passage piéton, en repérant à l’ouïe notre téléphone portable dans le fouillis de la chambre à coucher… Pour accomplir ce petit miracle quotidien, le cerveau a développé un circuit suffisamment rapide pour détecter d’infimes décalages entre le moment où l’information sonore parvient dans l’une, puis l’autre de nos oreilles. Pièce maîtresse de ce circuit, le «Calice de Held» - la plus grande synapse connue dans le cerveau. Des chercheurs de l’EPFL ont mis au jour le rôle d’une protéine, qui déclenche la croissance de ces synapses géantes. Une découverte qui pourrait également permettre d’en savoir plus sur certaines pathologies neuropsychiatriques. Leur travail est publié dans Nature Neuroscience.

D’énormes synapses pour une communication plus rapide
D’ordinaire, les neurones sont pourvus de milliers de points de contacts avec leurs voisins: les synapses. Dans une fenêtre de temps donnée, le neurone doit recevoir plusieurs signaux de ses voisins pour pouvoir produire à son tour une impulsion. De fait, l’information passe d’un neurone à l’autre de manière relativement aléatoire.

Dans la partie auditive de notre cerveau, les choses se présentent différemment. Les synapses croissent souvent jusqu’à atteindre d’énormes dimensions: les «Calices de Held». Grâce à leurs centaines de points de contacts, ils sont capables à eux seuls de faire passer le signal au neurone suivant. «C’est presque comme une communication de pair à pair entre neurones», explique Ralf Schneggenburger, directeur de l’étude. Résultat : l’information est traitée extrêmement rapidement, en quelques fractions de millisecondes, contre plus de 10 dans la plupart des circuits neuronaux.

Identifier la protéine, un travail de bénédictins
Pour isoler la protéine chargée de contrôler la croissance de cette synapse géante, les chercheurs ont exécuté un véritable travail de bénédictins. Parmi plus de 20'000 candidats possibles, ils sont parvenus à identifier plusieurs membres de la famille de protéines connue sous le nom de «BMP». Pour ce faire, ils ont recouru à des méthodes permettant d’analyser l’expression des gènes de la souris.

Afin de s’assurer d’avoir réellement identifié la bonne protéine, les chercheurs ont désactivé les récepteurs des protéines BMP dans la partie auditive d’un cerveau de souris. «La signature électrophysiologique de la synapse Calice de Held avait largement changé, explique Le Xiao, premier auteur. Cela suggérait d’importantes différences anatomiques.»

Les chercheurs ont ensuite reconstruit en trois dimensions les synapses, à partir de centaines de coupes passées sous le microscope électronique. Au lieu d’un unique et massif Calice de Held, qui englobe presque la moitié du neurone, l'image 3D montre clairement plusieurs synapses, plus petites. «Cela montre que le processus impliquant la protéine BMP n’a pas seulement pour fonction de faire croître la synapse, mais aussi d’opérer une sélection en éliminant les autres», explique Ralf Schneggenburger.


La connectivité synaptique, une clé pour diverses pathologies
La portée de cette étude va largement au-delà du système auditif. En effet, les résultats suggèrent une importante fonction de la protéine BMP pour le développement de la connectivité dans le cerveau. Les chercheurs se penchent actuellement sur son rôle dans d’autres zones du cerveau. «Certaines maladies neuropsychiatriques, comme la schizophrénie ou l’autisme, ont précisément pour origine un développement anormal de la connectivité synaptique dans certaines zones clé du cerveau», explique Ralf Schneggenburger. En identifiant et en expliquant le rôle de diverses protéines dans ce processus, les chercheurs ont bon espoir de lever une partie du voile sur ces pathologies encore très largement incomprises.


Auteur: Lionel Pousaz

Source: EPFL