Des centaines d'analyses biochimiques sur une seule puce

© 2012 EPFL

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Un dispositif microfluidique plus petit qu’un domino, mis au point par des chercheurs de l’EPFL et de l’Université de Genève, permet de mesurer simultanément jusqu’à 768 interactions biomoléculaires.

Est-ce qu’elles s’aiment un peu, beaucoup, passionnément ? Au cœur des cellules, des molécules s’associent et se séparent continuellement. Dans l’ADN, c’est ce jeu d’amour et de fuite qui détermine l’expression des gènes, de même que la plupart des processus biologiques.

La connaissance exacte du fonctionnement de ces interactions est donc essentielle à la compréhension de certains mécanismes fondamentaux du vivant, commun à tous les organismes. Le nombre de combinaisons possibles s’expriment toutefois en millions – les décortiquer représente une quantité de travail vertigineuse. Divers outils ont été développés afin de mesurer le degré d’affinité d’un segment d’ADN et de son facteur de transcription. Ils permettent notamment de donner des indications sur la force de l’affinité qui les unit.

Les dispositifs «commerciaux» ont toutefois pour principal inconvénient que de nombreuses manipulations préalables sont nécessaires avant de pouvoir mener une expérience, et que celles-ci ne peuvent porter, au mieux, que sur une douzaine d’interactions à la fois.

Des canaux de quelques microns
Lors de son doctorat au California Institute of Technology, Sebastian Maerkl a conçu un dispositif, nommé «MITOMI», réunissant des centaines de canaux microfluidiques pourvus de vannes pneumatiques. Le chercheur, aujourd’hui professeur assistant à l’Institut de bioingénierie de l’EPFL, présente cette semaine dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), une évolution de son invention susceptible de révolutionner la recherche en biologie moléculaire. «k-MITOMI» a été développé dans le cadre du programme «DynamiX» de Systemsx.ch, en collaboration avec l’Université de Genève.

Cette puce microfluidique comporte pas moins de 768 chambres, toutes pourvues de vannes destinées à faire se rencontrer, sous strict contrôle, les séquences d’ADN et les protéines de transcription. « Dans les méthodes traditionnelles, on arrivait généralement à savoir si des interactions avaient lieu ou pas, puis on recommençait l’expérience avec un autre gène ou un autre facteur de transcription, explique Sebastian Maerkl. Notre appareil va beaucoup plus loin car il permet de mesurer précisément l’affinité des protéines et l’évolution temporelle de leur association. »

Sa force est d’avoir réussi à intégrer une sorte de bouton-poussoir à ses microréacteurs. Un substrat de protéine y est installé fixement, au-dessus duquel circule une solution de molécules d’ADN. Activé à intervalles réguliers de quelques millisecondes, le bouton-poussoir agit comme un couvercle, isolant les protéines associées en un point précis du dispositif. «Nous rinçons alors la solution d’ADN, et la fluorescence nous indique précisément le nombre de molécules liées, explique Sebastian Maerkl. Qui plus est, nous pouvons observer combien de temps elles restent associées.»

En plus de fournir des informations quantifiables inscrites dans la durée, la puce k-MITOMI est capable de travailler de façon «massivement parallèle». Chacune des 768 chambres indépendantes peut analyser simultanément des couples différents. Elle peut aussi servir à synthétiser des protéines exclusivement in vitro, ce qui représente un gain de temps et de manipulations phénoménal par rapport à la méthode traditionnelle consistant à faire coder des brins d’ADN à l’intérieur d’un organisme vivant, une bactérie par exemple, avant de les purifier puis de les mettre en contact avec les gènes à étudier.

«L’ampleur des interactions entre protéines qu’il reste à caractériser est phénoménale. Notre appareil ne permet pas seulement d’accélérer l’obtention d’informations cruciales sur le fonctionnement du vivant : il répond aussi à un besoin de production à la demande de protéines spécifiques», se réjouit Sebastian Maerkl.

Cette recherche a bénéficié du soutien d’une bourse de SystemsX.ch, une initiative suisse visant à stimuler la recherche et la formation dans des secteurs clé de la biologie systémique. http://www.systemsx.ch.



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