Des cellules vivantes en pleine lumière

Fatih Toy (g.) et Yann Cotte devant leur installation. © Alain Herzog / EPFL

Fatih Toy (g.) et Yann Cotte devant leur installation. © Alain Herzog / EPFL

Un dispositif développé à l’EPFL par deux jeunes chercheurs permet de créer sans produit de contraste ni fluorophores des images en 3D de cellules vivantes et de suivre leur réaction à divers stimuli.

Dans le monde de la microscopie, l’évolution est presque comparable au passage de la photographie à la télévision en direct. Deux jeunes chercheurs de l’EPFL, Yann Cotte et Fatih Toy, ont imaginé un dispositif combinant microscopie holographique et traitement informatique des images pour observer des tissus biologiques vivants à une échelle nanoscopique. Des travaux menés sous la direction de Christian Depeursinge (Groupe microvision et microdiagnostic, faculté STI).

Ce montage leur permet d’obtenir en quelques minutes – en attendant l’instantanéité – des images tridimensionnelles de cellules vivantes, avec une résolution remarquable de moins de 100nm, soit 1000 fois plus fine qu’un cheveu. Et cela sans recourir à des produits de contraste ou fluorescents, ce qui permet d’éviter que des expériences ne soient faussées par des produits étrangers.

Le fait de pouvoir capter ainsi une cellule vivante sous toutes les coutures pose les jalons d’un tout nouveau champ d’investigation. « Nous pouvons observer en direct la réaction d’une cellule lorsqu’elle est soumise à n’importe quel stimulus, explique Yann Cotte. Cela ouvre des perspectives inédites, par exemple pour l’étude des effets de substances pharmaceutiques à l’échelle d’une cellule individuelle. »

La croissance d’un neurone en direct
Les chercheurs démontrent ce mois-ci dans Nature Photonics le potentiel de leur méthode en développant, image par image, le film d’un neurone qui croît et la naissance d’une synapse, capté une heure durant à raison d’une image par minute. Un exploit réalisé avec la collaboration du Laboratoire de Neuroénergétique et dynamique cellulaire (Pierre Magistretti) au Brain Mind Institute de l’EPFL. Il leur a valu les faveurs d’un éditorial dans cette revue de référence. « Comme nous nous servons d’un laser à faible intensité, l’influence de la lumière ou de la chaleur sur la cellule est très faible, poursuit Yann Cotte. Notre technique permet ainsi d’observer une cellule tout en la maintenant en vie durant une longue période. »


© C.-M. Cotte and Cemico GmbH

Sous balayage angulaire d’un laser, de nombreuses images extraites par holographie sont captées par une caméra numérique, assemblées par ordinateur et « déconvoluées » afin d’en éliminer le bruit. Pour mettre au point leur algorithme, les jeunes chercheurs ont imaginé et réalisé dans les salles blanches de l’école (CMI) un système de « calibrage » faisant appel à une mince couche d’aluminium percée de « nano-trous » de 70 nm et espacés d’une distance équivalente.
Au final, la vue d’ensemble tridimensionnelle de la cellule, presque aussi nette qu’un dessin d’encyclopédie, peut alors être « découpée » virtuellement pour laisser apparaître ses éléments internes, noyau, matériel génétique ou organites.

Déjà au bénéfice d’une bourse à l’innovation (Innogrant) de l’EPFL, Fatih Toy et Yann Cotte n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Ils espèrent développer sur la base de leur prototype, au sein d’une société en création et en collaboration avec la startup Lyncée tec SA, un dispositif qui permettra de se livrer à de telles observations in vivo, sans qu’il ne soit nécessaire de prélever un tissu, grâce à des appareils portatifs. Ils poursuivront en parallèle la création de matériel de laboratoire basé sur ces principes. Avant même son baptême officiel, la start-up qu’ils vont créer ne manque donc pas de travail, ni d’ambition.