De retour à l'EPFL après une année à Harvard

© 2013 EPFL

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Grâce à une bourse délivrée par la fondation Bertarelli, quatre élèves de l'EPFL ont pu réaliser leur projet de master à la faculté de médecine de l'Université Harvard. Petit aperçu de leur séjour à Boston, ponctué de découvertes neuroscientifiques et d'anecdotes amusantes.

Formés en bioingénierie à l'EPFL, Amélie, Elvira, Léonie et Nicolas sont partis réaliser leur projet de master dans les laboratoires de l'institut de médecine de l'Université Harvard. Cette opportunité leur a été donnée par la bourse Bertarelli, qui vise à promouvoir les neurosciences à travers une mise en commun des compétences des ingénieurs et celles des médecins. Devenus doctorants pour la plupart, les quatre voyageurs racontent leur séjour chez les Américains.

Des lasers pour améliorer les prothèses auditives

Amélie Guex
Âge: 25 ans
A effectué son master à: Massachusetts Eye and Ear Infirmary Department of Otology and Laryngology
Titre du master: "Characterization of the Auditory System Responses to Infrared Neural Stimulation of the Cochlear Nucleus"

Quelles sont les particularités de Harvard?
Certains laboratoires se situent directement dans les hôpitaux, et sont dirigés par des médecins ou chirurgiens. C'est dans un de ces groupes de laboratoires, les Eaton-Peabody Laboratories, que j'ai travaillé. Le fait de croiser des patients tous les jours, c'est-à-dire des personnes susceptibles de bénéficier de notre technologie, était très motivant. Le campus en lui-même est aussi assez impressionnant. En le voyant pour la première fois, avec tous ces bâtiments de briques rouges, j'ai eu l'impression d'être dans un film.

Sur quoi as-tu travaillé?
Le laboratoire qui m'a accueillie se focalisait sur les implants destinés aux personnes dont le nerf auditif a été coupé, suite à l'ablation d'une tumeur, par exemple. Ces implants, qui sont de petites électrodes, ont pour fonction de stimuler le tronc cérébral des patients, afin de leur redonner une sensation d'audition. Ma mission a consisté à tester une technique alternative aux électrodes, basée sur des lasers. Il s'agissait de voir s'il était possible de stimuler cette zone de manière plus précise. Cette recherche m'a beaucoup plu, car je m'intéresse à tout ce qui a trait à la neuroprosthétique.

Qu'as-tu pensé de la culture américaine ? Y a-t-il des éléments qui t'ont surprise?
La ville de Boston ne semble pas très représentative de la « culture américaine », car elle est très cosmopolite, mais certains aspects m'ont tout de même marquée. Par exemple, la vie des américains est rythmée par de grands évènements tels que Halloween, Thanksgiving ou encore le Superbowl. Ce qui nous a aussi fait rire, c'est que certains étudiants participent à de véritables championnats de Quidditch (sport fictif de la saga Harry Potter). Ils courent de côté sur des balais, et le vif d'or est incarné par un joueur en jaune qui va se cacher et sur lequel est fixée une balle de tennis.

L'échange à Boston t'a-t-il ouvert des portes?
Oui, car je continue à travailler dans le cadre du programme Bertarelli. Je viens de commencer une thèse au Laboratory for Soft Bioelectronic Interfaces (LSBI) de Stéphanie Lacour. Nous étudions le développement d'électrodes souples, afin de pouvoir les adapter parfaitement au tronc cérébral.

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Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous sommes sous anesthésie?

Elvira Pirondini
Âge: 25 ans
A effectué son master à: Massachusetts General Hospital Department of Anesthesia and Critical Care
Titre du master: "Sparse Priors and Empirically-Tailored Basis Sets For EEG Source Localization, Applied to Cross-Frequency Coupling under General Anesthesia"

Quelles sont les particularités de Harvard?
C'est un endroit génial. Le professeur qui m'a suivie était rattaché à la fois à Harvard et au MIT. J'ai donc pu assister à des tas de conférences dans les deux universités. Sur ce point, les possibilités étaient plus diversifiées qu'à l'EPFL. Par contre, le niveau de recherche était à peu près comparable, à mon avis.

Sur quoi as-tu travaillé?
Le laboratoire auquel j'étais rattachée, le Neuroscience Statistics Research Laboratory, cherche à savoir ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous sommes sous anesthésie, car il y a encore beaucoup de questions à ce sujet. L'équipe du labo, qui regroupe 50 à 60 personnes, utilise des méthodes statistiques et des techniques non-invasives comme des électroencéphalogrammes pour développer des algorithmes et établir des modèles de ce qui se passe dans le cerveau. Mon travail a consisté à améliorer l'un des algorithmes existant, établi grâce à des observations sur 10 patients sous anesthésie. Le nouveau modèle, plus rapide, vise à permettre aux chirurgiens d'observer la progression d'une anesthésie en temps réel.

Qu'as-tu pensé de la culture américaine? Y a-t-il des éléments qui t'ont surprise?
De manière générale, les Américains sont très sympas. Mais une des choses qui m'a étonnée, c'est que la télévision semble souvent être au centre de leur vie. Beaucoup de sujets de discussions tournent autour des séries télé. En termes de cursus, j'ai aussi trouvé qu'à Harvard, les gens sont très spécialisés dans un domaine précis, mais dès que l'on sort de leur champ d'études, ils ont peu de connaissances. Ce n'est pas le cas à l'EPFL, où les scientifiques sont plus polyvalents.

L'échange à Boston t'a-t-il ouvert des portes ?
Oui, j'ai rencontré le Professeur Silvestro Micera lors du Symposium Bertarelli de Boston, et j'ai commencé un doctorat cette année au sein de son laboratoire, le Translational Neural Engineering Lab (TNE) de l'EPFL. Il s'agit d'observer ce qui se passe dans le cerveau des patients qui font des exercices avec des robots, après avoir été victimes d'AVC, par exemple. Mon professeur à Boston, Emery Brown, m'avait proposé de rester là-bas, mais j'ai préféré revenir à l'EPFL. Je suis plus près de ma famille, et la qualité de la recherche est tout aussi bonne.

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Analyser les troubles moteurs chez les patients atteints de la maladie de Parkinson

Léonie Asboth
Âge: 23 ans
A effectué son master à: Beth Israel Deaconess Medical Center (BIDMC) Department of Neurology
Titre du master: "Quantification of fine movement disorders in Parkinson's disease using a digitized tablet: turning experimental findings into a clinically simple diagnostic tool"

Quelles sont les particularités de Harvard?
Harvard s'est progressivement installée à plusieurs endroits de Boston et Cambridge, et chacun de ces espaces apporte un caractère et une fonction nouvelle à l'Université. Le « Harvard yard », dans un style typique de la nouvelle Angleterre, regroupe essentiellement les dortoirs et lieux d'études des premières années ou « freshmen».
De l'autre côté de la rivière, côté Boston, se trouvent les hôpitaux affiliés à la Harvard Medical School et les centres de recherches médicaux. Cet environnement favorise la recherche translationnelle : cela facilite le passage de la recherche fondamentale aux essais cliniques sur l'humain, jusqu'aux soins médicaux.
De manière générale, j'ai eu la chance de participer à certains cours auxquels les étudiants semblent être particulièrement participatifs et vont chercher les débats avec les professeurs.

Sur quoi as-tu travaillé?
Au sein de mon labo, le Center for Noninvasive Brain Stimulation, ma mission consistait à développer une tablette graphique pour quantifier les troubles du mouvement chez les personnes atteintes de Parkinson ou présentant des déficits moteurs. Nous avons eu la chance de pouvoir tester cette méthode sur 20 patients qui se trouvaient à différents stades de la maladie de Parkinson. Les patients devaient reproduire certains motifs sur la tablette, et le moindre tremblement était enregistré. Il s'agissait ensuite d'effectuer une analyse cinématique et fréquentielle des mouvements. Les résultats ont permis de déceler certains troubles moteurs invisibles à l'œil nu et de quantifier objectivement certains mouvements parasites. Ce travail était stimulant car nous avons travaillé à la création d'un produit fini, c'est-à-dire un instrument fiable et bon marché utilisable par les médecins. La tablette pourrait permettre de réduire la part de subjectivité inhérente aux tests neurologiques effectués actuellement.

Qu'as-tu pensé de la culture américaine? Y a-t-il des éléments qui t'ont surprise?
J'ai été étonnée par la facilité qu'ont les étudiants à mettre en pratique leurs idées innovantes avant même la fin de leurs études. Il semblerait que la création de start-ups soit vivement encouragée par les professeurs sur place et qu'elle soit intégrée au cursus académique. Cet esprit entrepreneurial, qui est enseigné aux étudiants dès les premières années d'études, est définitivement un atout fort de la culture américaine. J'ai été également surprise par l'extravagance des Américains. Nous avons par exemple assisté à une course qui consistait à consommer la plus grande quantité de donuts possible avant de courir 5 miles en moins d'une heure. Nous avons aussi vu certains étudiants du MIT déguisés en personnages de la saga star wars et effectuant des combats au « sabre laser ».

L'échange à Boston t'a-t-il ouvert des portes?
Oui. Le programme Bertarelli m'a permis de découvrir le laboratoire dans lequel j'effectue mon doctorat : le IRP Chair in Spinal Cord Repair, dirigé par le Professeur Grégoire Courtine. Mon projet se focalise sur des méthodes d'optogénétique, qui consistent à activer par la lumière certains circuits de neurones que l'on modifie génétiquement au préalable. Nous cherchons à comprendre les mécanismes de régénération des projections cortico-spinales au niveau des lésions de la moelle épinière, le but ultime étant de rétablir la marche chez des personnes paralysées.

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Définir quels sont les patients prédisposés à faire de la rééducation à l'aide de robots

Nicolas Beuchat
Âge: 23 ans
A effectué son master à: Spaulding Rehabilitation Hospital Department of Physical Medicine and Rehabilitation
Titre du master: "Estimating Motor Adaptation Dynamics from the Force-Field Adaptation Paradigm using the Expectation-Maximization algorithm"

Quelles sont les particularités de Harvard?
Cette Université est très vivante, il y a toujours quelque chose qui s'y passe. Harvard est remplie de professeurs connus et se situe juste à côté du MIT. Il y a donc un nombre important de conférences de toutes sortes. La quantité de recherche qui y est menée est impressionnante. Et comme l'a dit Léonie, les Américains sont moins frileux que nous lorsqu'il s'agit de démarrer une entreprise. Même si l'on se plante, ce ne sera pas mal vu. Les erreurs ne sont pas stigmatisées comme c'est parfois le cas en Suisse.

Sur quoi as-tu travaillé?
Le Motion Analysis Lab s'intéresse à la rééducation des patients par la robotique, par exemple à l'aide d'exosquelettes. Le problème actuel est que certaines personnes répondent bien à ces méthodes, et d'autres très mal. J'ai travaillé sur une plateforme qui vise à prédire quel patient sera à même de progresser grâce une méthode robotique. Un levier devait être poussé tout droit, alors qu'une force était exercée sur le côté. On pouvait alors déterminer la faculté d'apprentissage et d'adaptation des 14 patients testés. Les données ont été récoltées par un autre laboratoire. Quant à moi, j'ai développé un algorithme pour l'analyse de ces paramètres.

Qu'as-tu pensé de la culture américaine? Y a-t-il des éléments qui t'ont surpris?
En Suisse, nous avons beaucoup de préjugés sur les Américains, mais ça ne se vérifie pas à Boston, où il y a beaucoup d'étrangers. Les gens sont beaucoup centrés sur le sport, comme le football américain, et le spectacle se déroule aussi bien sur le terrain que sur les bancs des supporters, qui sont souvent déguisés. Au sein de mon laboratoire, nous nous sommes tous cotisés pour participer à un jeu qui consiste à prédire le déroulement de tous les matchs de baskets du championnat March madness. Bien sûr, nous n'avons rien gagné.

L'échange à Boston t'a-t-il ouvert des portes?
Dans un premier temps, oui. En revenant à l'EPFL, j'ai travaillé un moment au sein de la Chaire Fondation Defitech en interface non-invasive de cerveau-machine (CNBI) du professeur José Millán. Puis j'ai décidé de faire un break. Je vais partir voyager en Amérique du sud, en Argentine plus particulièrement.

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Plus d'informations:

-Programme Bertarelli

-Chaires Bertarelli à l'EPFL / Fondation Bertarelli / Bourse Bertarelli vue d'Harvard


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL