De nouvelles armes contre la tuberculose multirésistante

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Des chercheurs de l’EPFL ont mis en lumière deux molécules qui pourraient vaincre les antibio-résistances multiples de la tuberculose.

La tuberculose causée par une bactérie appelée Mycobacterium tuberculosis, qui touche communément les poumons. En 2012, l’Organisation mondiale de la Santé estimait le nombre de personnes malades dans le monde à 8,6 millions, et le nombre de morts à 1,4 million. La lutte contre cette maladie bute contre deux obstacles majeurs : la relative longueur du traitement, mais aussi les résistances multiples que développe la bactérie contre les antibiotiques.

Pour faire face, nous avons besoin de traitements et de méthodes de dépistage alternatif. Cela nécessite une compréhension plus fine et profonde de la machinerie moléculaire utilisée par la bactérie pour infecter les cellules pulmonaires. Or, des scientifiques de l’EPFL ont eu recours à un test de criblage sensible pour vérifier quels composants étaient utilisables contre le bacille. Ils ont ainsi identifié deux petites molécules prometteuses. Leurs découvertes sont publiées dans Cell Host & Microbe.

En cas de tuberculose, la mycobactérie pénètre et infecte les cellules immunitaires des poumons, les macrophages. Le bacille a recours à un système de sécrétions spécialisé qui produit des protéines à même de s’attaquer aux macrophages.

Une protéine en particulier joue un rôle prépondérant dans la capacité du bacille de s’attaquer aux cellules immunitaires pulmonaires. Elle répond au nom de EsxA. En prenant cette protéine pour cible, les chercheurs ont bon espoir de fournir une réponse efficace aux problèmes de multi-résistance du bacille. En effet, il ne s’agirait alors pas de viser la bactérie, comme un antibiotique classique, mais de donner au système immunitaire les moyens de combattre l’infection.

L’équipe de Stewart Cole, au Global Health Institute de l’EPFL a développé une procédure de tests capable d’explorer simultanément des milliers de composés. Cette analyse performante a permis aux chercheurs de passer au crible 10’880 composés chimiques, issus d’une bibliothèque d’une entreprise pharmaceutique spécialisée.

Les chercheurs ont cultivé des cellules humaines de poumon infectées par le bacille de la tuberculose. Puis ils les ont exposé aux nombreuses substances candidates. Ils ont déterminé le taux de survie des protéine grâce à des colorants fluorescents. De la sorte, ils pouvaient sélectionner composés chimiques qui semblaient être les plus efficaces pour neutraliser la protéine Esxa.

Grâce à ce test, l’équipe de Stewart Cole a réduit la liste des candidats de plus de 10'000 à deux. Administrés à de très faibles doses, ces composés, appelés BBH7 et BTP15, sont capables d’inhiber la sécrétion de la protéine esxA. Les deux substances neutralisent les effets suppressifs exercés par la bactérie sur les macrophages infectés, avec pour résultat une éradication efficace des bactéries intracellulaires.

Cette approche diffère de celle des antibiotiques qui, en s’attaquant directement à la bactérie, entraînent souvent les résistances multiples caractéristiques de la maladie. «Plutôt que d’essayer de tuer la bactérie, nous tentons de la désarmer, et du même coup de prévenir les dommages infligés aux tissus pulmonaires, explique Stewart Cole. Cette approche pourrait s’avérer efficace dans une stratégie thérapeutique plus large, par exemple en association avec des médicaments conventionnels.»

Les chercheurs comptent maintenant tester d’autres composés, afin de voir s’ils sont susceptibles d’accroître l’efficacité du BBH7 et du BTP15. Ils souhaitent en outre appliquer leur méthode de dépistage à d’autres bactéries. « Notre processus de criblage est simple et basique, mais peu solide , précise l’auteur principal Jan Rybniker, qui a développé le test. Je suis certains que des tests analogues nous permettraient de cibler les protéines immunogènes d’une foule d’autres bactéries multirésistantes. »

Cette étude a été réalisée par l’Institut de Santé globale de l’EPFL, en collaboration avec l’Université de Cologne, le Vichem Chemie Research Ltd (Hongrie), ainsi que l’Université Semmelweis (Budapest).

Source

Rybniker J, Chen JM, Sala C, Hartkoorn RC, Vocat A, Benjak A, Boy-Röttger S, Zhang M, Székely R, Greff Z, Őrfi L, Szabadkai I, Pató J, Kéri G, Cole ST. Anticytolytic Screen Identifies Inhibitors of Mycobacterial Virulence Protein Secretion.Cell Host & Microbe DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.chom.2014.09.008