De l'acide formique dans le moteur

Les fourmis détiennent-elles la clé du carburant du futur? L’acide formique permet un stockage plus efficace et sécurisé de l’hydrogène. Un moyen idéal pour accumuler l’énergie provenant de sources renouvelables ou propulser la voiture du XXIème siècle.

L’hydrogène est souvent désigné comme le futur remplaçant des carburants fossiles. Ecologique et performant, il n’en présente pas moins de nombreux inconvénients. Extrêmement inflammable, il doit être stocké dans d’encombrantes bouteilles pressurisées. Autant d’obstacles à son utilisation, que les scientifiques de l’EPFL et leurs confrères du Leibniz-Institut für Katalyse ont levés : une fois transformé en acide formique, l’hydrogène peut être stocké facilement et en toute sécurité. Une solution idéale pour accumuler l’énergie des sources renouvelables comme le solaire ou l’éolien, ou alimenter la voiture de demain.



L’hydrogène est facilement produit à partir d’énergie électrique. Grâce à un catalyseur et au CO2 présent dans l’atmosphère, les scientifiques l’ont transformé en acide formique. Plutôt qu’une lourde bouteille de fonte remplie d’hydrogène sous pression, ils obtiennent ainsi une substance très peu inflammable et liquide à température ambiante.

En novembre 2010, seconde étape. Les laboratoires de l’EPFL, sont parvenus à provoquer le phénomène inverse : par le biais d’une catalyse, l’acide formique retourne à l’état de CO2 et d’hydrogène, lequel peut ensuite être transformé en énergie électrique. Un prototype fonctionnel, peu encombrant et d’une puissance de 2 kilowatts est d’ores et déjà au point. Deux sociétés ont acheté une licence pour développer cette technologie: Granit (Suisse) et Tekion (Canada).

Stocker les énergies renouvelables

«Imaginez par exemple que vous ayez des cellules solaires sur votre toit, explique Gabor Laurenczy, professeur au Laboratoire de chimie organométallique et médicinale et chef de Groupe de catalyse pour l’énergie et l’environnement. Par mauvais temps ou durant la nuit, votre pile d’acide formique vous restitue le trop-plein d’énergie accumulé quand le soleil brillait.» Dans une telle configuration, le procédé permet de restituer plus de 60% de l’énergie électrique de départ.

Cette solution est extrêmement sûre. L’acide formique libère de manière continue de très petites quantités d’hydrogène, «juste ce dont vous avez besoin sur le moment pour votre consommation électrique», relève le chercheur.

Autre avantage par rapport au stockage conventionnel, le procédé permet de stocker presque le double d’énergie à volume égal. En effet, un litre d’acide formique contient plus de 53 grammes d’hydrogène, contre à peine 28 grammes pour un même volume d’hydrogène pur pressurisé à 350 bars.
Enfin, les chercheurs ont travaillé sur un procédé de catalyse basé sur le fer – un métal facilement disponible et peu coûteux, en comparaison des métaux « nobles » comme le platine ou le ruthénium. Comme dans toutes catalyses, aucune matière n’est dégradée pendant le processus.

De l’acide formique à la pompe

C’est sans doute dans le domaine automobile que l’invention présente les potentiels les plus intéressants. Actuellement, les prototypes produits par certaines grandes marques stockent l’hydrogène sous forme classique, avec les problèmes que l’on sait : danger d’explosion, volume important occupé par le réservoir pressurisé, difficultés pour faire le plein rapidement…

Les véhicules du XXIème siècle pourraient rouler à l’acide formique. Cette solution permet un stockage de l’hydrogène non seulement plus sûr, mais également plus compact et plus simple à remplir à la pompe – l’acide formique est liquide à température ambiante. «Techniquement, c’est tout à fait faisable. D’ailleurs, de grands constructeurs nous ont contactés en 2008, quand le baril du pétrole a atteint des sommets, confie Gabor Laurenczy. A mon sens, le seul obstacle est économique.» Il s’écoulera encore quelques années avant de peut-être pouvoir faire le plein à la première fourmilière croisée sur le chemin.