Comment nos cellules se meuvent-elles? La réponse en gouttelettes

Des cellules migrent à partir des écailles de poisson © 2014 EPFL

Des cellules migrent à partir des écailles de poisson © 2014 EPFL

Les bactéries ou les amibes ne sont pas les seules cellules vivantes qui se meuvent. Celles qui constituent notre propre corps ont également la bougeotte. Des chercheurs de l’EPFL ont mis au jour des liens entre leur structure tridimensionnelle et leur capacité de mouvement. Une découverte qui pourrait notamment permettre de nouveaux développements en génie tissulaire.

Par «migration cellulaire», on entend tous les processus associés aux déplacements des cellules vivantes. Ce phénomène est associé à de nombreux processus biologiques, comme le développement embryonnaire, les réponses immunitaires, la cicatrisation, les maladies auto-immunes ou les métastases cancéreuses. Les cellules se déplacent grâce aux mouvements de leur membrane, entraînés par l’action d’un réseau de protéines. Cette interaction est toutefois affectée par la forme générale de la cellule, selon un processus encore mal compris. Des chercheurs de l’EPFL ont trouvé un lien inattendu entre la forme tridimensionnelle de la cellule et sa propension à se mouvoir. Pour ce faire, ils ont pris comme modèle de simples gouttes d’eau. Les résultats sont publiés dans Current Biology.

La première étape de la migration cellulaire s’effectue lorsque la la membrane extérieure de la cellule se dilate – un processus appelé «protrusion», causé par la croissance de filaments de protéine d’actine, qui repoussent la membrane de l’intérieur. Dans le même temps, la tension membranaire contrôle le phénomène en opposant une résistance, qui empêche la cellule de trop s’étirer. Si des lois physiques (p.ex. celle de Laplace) stipulent que la forme de la membrane cellulaire contribue à équilibrer la force exercée par l’actine et la résistance de la tension membranaire, ce postulat n’est pas pris en compte par les études précédentes, basées sur des modèles 2D simplifiés.

A l’EPFL, Chiara Gabella et Alexander Verkhovsky ont pu établir un lien entre la protrusion de la cellule, sa forme et la tension membranaire. En étudiant des cellules d’écailles de poisson, les chercheurs ont développé un procédé simple et rapide pour déterminer la forme tridimensionnelle des cellules en migration. Les chercheurs ont appliqué divers traitements pour dilater, contracter ou étirer ces cellules. Ils les observaient dans une chambre remplie de solution fluorescente. De la sorte, ils ont pu analyser les effets produits sur la tension membranaire, la forme et rapidité de la protrusion. Ces traitements ont uniquement affecté la forme des cellules et leur vitesse de migration, mais pas la tension membranaire. Résultat, plus la cellule est sphérique, plus elle est véloce.

Afin d’interpréter ces découvertes, les scientifiques ont alors développé un modèle analogue à une goutte d’eau qui se répandrait sur une surface. «On sait que la forme d’une goutte et son angle de contact avec la surface sont déterminés par les forces de tension avec son milieu environnemental, comme l’air ou un autre liquide, et la matière sur laquelle elle se déplace», explique Chiara Gabella. Les chercheurs ont considéré les rebords de la cellule comme une interface triple, et ajouté la tension due à la croissance intracellulaire des filaments d’actine.

«Une cellule plus sphérique implique moins de charges à supporter pour les filaments d’actine, et donc une croissance et une migration plus rapides», précise Alexander Verkhovsky. Les chercheurs ont en outre trouvé que les cellules étaient sensibles aux caractéristiques de la surface, tout comme une goutte d’eau, et qu’elles ralentissaient ou étaient retenues sur les arêtes.

«La plupart des études ont porté sur l’identification et la caractérisation des composants d’une cellule individuelle», continue Alexander Verkhovsky. «L’opinion la plus répandue voulait que le comportement d’une cellule était déterminé par un réseau compliqué de gênes et protéines.» Au contraire, le travail des chercheurs de l’EPFL démontre qu’il est possible de décrire les migrations des cellules comme celles d’un simple objet physique. En abordant la dynamique cellulaire du point de vue de la forme tridimensionnelle, ils ouvrent une nouvelle voie afin de comprendre la migration cellulaire.

Cette étude a été réalisée par le Laboratoire de biophysique cellulaire (LCB) dirigé par Jean-Jacques Meister, avec le Laboratoire de physique de la matière complexe (LPCM).

Source:

Gabella C, Bertseva E, Bottier C, Piacentini N, Bornert A, Jeney S, Forró L, Sbalzarini IF, Meister JJ, Verkhovsky AB. Contact Angle at the Leading Edge Controls Cell Protrusion Rate, Current Biology (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.cub.2014.03.050



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