Comment gérer les crues de la rivière Changjiang (Yangtze) en Chine…

© 2012 EPFL

© 2012 EPFL

Des scientifiques chinois participent à un atelier de formation à l’EPFL pour la gestion de l’eau sur un bassin versant d’une surface de 1'808'500 km2, soit 43 fois la superficie de la Suisse. Le modèle MINERVE développé à l’EPFL pour le bassin versant du Rhône sera ainsi appliqué à la rivière Changjiang (Yangtze).

La gestion de l’eau
Une gestion moderne de l’eau ne peut être envisagée qu’à l’échelle du basin versant. Elle requiert une bonne compréhension des processus météorologiques, hydrologiques et hydrauliques et une capacité d’anticipation sur les évolutions pressenties. La modélisation de systèmes aussi complexes est nécessaire pour aborder les problèmes classiques liés aux situations de crue mais également aux conditions d’étiage ainsi qu’à la gestion des ressources pour la production d’électricité, l’alimentation en eau potable, l’irrigation, etc. En d’autres termes, l’intégration d’objectifs multiples doit être prise en compte dans la gestion des eaux de rivières.
Ce défi implique une approche globale du cycle hydrologique incluant la variation spatio-temporelle des précipitations et de la température, les opérations des aménagements hydrauliques ainsi que la prise en considération de la qualité de l’eau, des impacts sur l’environnement, du transport sédimentaire ainsi que des effets liés aux changements climatiques.
Les compétences requises pour traiter cette problématique sur le bassin versant de la rivière Changjiang (Yangze) en Chine (6'300 km sur 1'808'500 km2, soit 43 fois la superficie de la Suisse) sont rassemblées dans la Changjiang Water Resources Commission (CWRC). Dans ce contexte et malgré l’importance du changement d’échelle pour les applications chinoises, un transfert de connaissances et de l’expérience acquise en Suisse en matière de gestion intégrée des eaux est planifié dans le cadre d’un programme de coopération sino-helvétique.

La rivière Changjiang (Yangtze)
Les ressources en eau de la rivière Changjiang sont distribuées de manière très inégale aussi bien dans le temps que dans l’espace. Il en résulte des crues fréquentes durant la saison humide et des étiages problématiques en saison sèche. Sur cette rivière, les crues représentent la cause la plus importante de dommages naturels même si, plus récemment, l’étiage s’est révélé comme un autre grand problème en raison des pertes importantes causées à l’agriculture. Par contre, la réalisation et la mise en service de grands réservoirs comme celui des Trois Gorges sur le cours d’eau principal et celui de Danjiangkou sur l’affluent de la rivière Han, apportent un flexibilité nouvelle pour la gestion des eaux mais aussi augmentent la complexité de leur gestion, en particulier lors des situations hydrologiques extrêmes.
Dans cette situation, une gestion appropriée et multi-objectifs des ressources en eau de la rivière Changjiang est requise. La satisfaction de ce besoin est nécessaire pour permettre un développement socio-économique harmonieux sur le bassin versant, incluant la prise en compte des effets imputables aux changements climatiques.

Le projet MINERVE
La modélisation de systèmes hydrologiques complexes est essentielle pour les ingénieurs chargés de la gestion des aménagements hydrauliques et de la protection contre les crues. Le contrôle de bassins versants aménagés requiert à cet égard une technologie adéquate permettant la simulation des différents processus en jeu. Un tel développement a été effectué à l’EPFL dans le cadre du projet de recherche MINERVE dans l’objectif d’effectuer la prévision et la gestion de crues sur le bassin versant du Rhône en amont du Léman. Dans la perspective d’un transfert de connaissances, le Laboratoire de Constructions Hydrauliques de l’EPFL (Prof. A. Schleiss) a été sollicité par l’Office Fédéral de l’Environnement pour organiser un atelier de formation aux concepts et logiciels développés à l’EPFL et leur application au bassin versant test de la rivière Han en Chine (affluent de la rivière Chanjiang, 1532 km sur 174000 km2, soit plus de 4 fois la Suisse).
Le projet MINERVE est développé depuis 2002 en partenariat avec l’Office Fédéral de l’Environnement (OFEV), les Services des Routes et Cours d’Eau, de l’Energie et des Forces Hydrauliques du Canton du Valais et par le Service des Eaux, Sols et Assainissement du Canton de Vaud. L'Office fédéral de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse) fournit les prévisions météorologiques et les sociétés hydroélectriques communiquent les informations relatives à leurs aménagements. Les développements scientifiques sont confiés à deux entités de l’EPFL, le Laboratoire d’Ecohydrologie et le Laboratoire de Constructions Hydrauliques, ainsi qu’à l’Institut de Géomatique et d’Analyse du Risque de l’UNIL.

La coopération Sino -Suisse entre l’OFEV, l’EPFL et le CWRC
Depuis de nombreuses années, une coopération amicale et intensive s’est développée entre la Chine et la Suisse. Notamment sur le projet d’assistance à la prévision des crues de la rivière Changjiang, initié en 2003 déjà. Cette coopération a été renforcée par la signature d’un accord sur la gestion des eaux et des catastrophes, signé le 19 avril 2009 à Shanghai entre Moritz Leuenberger, Conseiller fédéral en charge du département de l’Environnement, des Transports, de l’Energie et des Communications and M. Chen Lei, ministre responsable des ressources en eau de la république populaire de Chine.
En mai 2010, un atelier de formation a été organisé en Suisse avec les experts du CWRC, qui a permis de définir les bases d’une gestion intégrée du risque sur le bassin versant de la rivière Chiangjiang (Yangtse). Les objectifs de cette coopération ont ensuite été précisés lors de rencontres entre le CWRC et l’OFEV à Wuhan en septembre 2010 et à Lausanne en novembre 2010.
Cette collaboration se poursuit dans le cadre d’un atelier de formation, organisé à l’EPFL du 9 au 13 janvier 2012 à l’attention d’une délégation d’ingénieurs du CWRC. L’enseignement intensif dispensé permettra à la délégation chinoise de repartir avec un modèle calé du bassin versant de la rivière Han. La coopération se poursuivra à distance pour faciliter l’évolution du modèle vers des niveaux de détail supérieurs. Finalement, une dernière mission d’ingénieurs suisses en Chine permettra de valider les progrès réalisés par les ingénieurs chinois. L’extension de la modélisation à l’ensemble du bassin versant de la rivière Chiangjiang (Yangtse) sera alors possible.