Comment électrons divisent: nouvelle preuve de comportements exotique

Illustration de fractionnement dans le réseau carré antiferromagnétique © 2014 Bastien Dalla Piazza / EPFL

Illustration de fractionnement dans le réseau carré antiferromagnétique © 2014 Bastien Dalla Piazza / EPFL

Une étude menée par l’EPFL a démontré en exclusivité que les électrons se divisaient en une charge électrique et un moment magnétique d’après un modèle en deux dimensions. Cette découverte permet de mieux cerner des matériaux exotiques comme les supraconducteurs haute température.

Les électrons peuvent être vus comme de petits aimants qui portent une charge électrique en sus. À un niveau fondamental, ces deux propriétés sont indivisibles. On constate pourtant dans certains matériaux où les électrons sont contraints dans un monde quasi unidimensionnel que ces derniers se séparent en un aimant et une charge électrique, qui peuvent se mouvoir librement et de façon indépendante. La question se posait alors de savoir si une telle observation pouvait être faite dans plus d’une dimension. Or, des scientifiques de l’EPFL viennent de trouver de nouvelles preuves qui corroborent cette hypothèse dans des matériaux magnétiques en 2D. Leur étude est publiée dans Nature Physics.

Un phénomène étrange atteint les électrons de certains matériaux si fins qu’ils peuvent être considérés comme unidimensionnels, tels que les nanofils. Sous certaines conditions, ceux-ci sont en effet capables de se diviser en une charge électrique et un aimant, soit ce qu’on appelle des « particules fractionnaires ». Une question cruciale touchant la physique fondamentale restait jusqu’ici en suspens, à savoir si ce phénomène pouvait se produire et être observé dans plus d’une dimension, par exemple dans des systèmes bi- ou tridimensionnels.

Or, Henrik M. Rønnow et Bastien Dalla Piazza de l’EPFL, ainsi que Martin Mourigal (nommé il y a peu professeur assistant à Georgia Tech), viennent de diriger une étude qui fournissent des preuves tant théoriques que pratiques que la division exotique d’électrons en particules fractionnaires pouvait être observée en 2D. Pour ce faire, les chercheurs ont combiné des technologies ultramodernes de diffusion de neutrons polarisés et un cadre théorique novateur, puis testé un matériau qui agit d’habitude comme un isolant électrique. Leurs données montrent que les moments magnétiques des électrons peuvent se séparer en deux et se mouvoir de façon quasi indépendante dans le matériau.

L’existence de particules fractionnaires dans plus d’une dimension a été postulée en 1987 par le lauréat du prix Nobel PW Anderson alors qu’il tentait de développer une théorie susceptible d’expliquer les hautes températures de la supraconductivité, soit la capacité qu’ont certains matériaux de conduire l’électricité avec une résistance nulle et à des températures très basses, mais techniquement réalisables. Ce phénomène restait jusqu’ici une énigme et a fait l’objet d’une recherche approfondie au moyen de supraconducteurs haute température très prometteurs, les cuprates de cuivre.

À des températures proches du zéro absolu, les électrons se lient pour former un liquide exotique capable de s’écouler avec zéro frottement. Si un tel phénomène a déjà pu être observé dans d’autres matériaux à des températures proches du zéro absolu, ce liquide d’électrons peut se former dans des cuprates à des températures bien supérieures, atteignables grâce à du nitrogène liquide. Par conséquent, la recherche tente actuellement de trouver de nouveaux matériaux présentant de la supraconductivité haute température en milieu ambiant. La compréhension de ce phénomène à un niveau fondamental reste toutefois un défi, ce qui limite le développement de matériaux susceptibles d’être utilisés dans des applications pratiques. Or, les avancées des chercheurs de l’EPFL appuient la compréhension de la supraconductivité postulée par Anderson.

« Cette étude marque un nouveau niveau de compréhension d’un des modèles physiques les plus fondamentaux, » explique Henrik M. Rønnow. « Il corrobore en outre la théorie d’Anderson sur la supraconductivité haute température, qui reste l’un des plus grands mystères dans la découverte de matériaux modernes, et ce en dépit de plus de vingt-cinq ans de recherche intensive. »

Cette étude est une collaboration entre le Laboratoire de magnétisme quantique de l’EPFL, l’Institut Laue-Langevin, l’Université Johns Hopkins, le Centre londonien pour les nanotechnologies, l’Université technique du Danemark, l’Institut Paul Scherrer, le Laboratoire Rutherford Appleton, l’ETH Zurich, l’Université de Zurich et le Centre RIKEN pour les sciences émergentes de la matière.

Source

Dalla Piazza B, Mourigal M, Christensen NB, Nilsen GJ, Tregenna-Piggott P, Perring TG, Enderle M, McMorrow DF, Ivanov DA, Rønnow HM. Fractional excitations in the square lattice quantum antiferromagnet.Nature Physics 23 December 2014