Cibler des cellules cancéreuses en mesurant les courants électriques

© 2017 EPFL LEPA

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En utilisant l’imagerie par électrochimie, les chercheurs de l’EPFL font un pas supplémentaire dans la cartographie de distribution des biomolécules dans les tissus. Cette technologie qui n’utilise que des marqueurs endogènes, sans agent de contraste, pourrait représenter une alternative aux techniques actuelles d’imagerie cellulaire.

Aujourd’hui, la théranostique – contraction entre thérapie et diagnostic – permet d’obtenir l’information spatiale des cellules cancéreuses dans le corps et de les traiter de manière ciblée. Elle utilise, entre autres, des marqueurs fluorescents. L’imagerie par électrochimie pourrait, quant à elle, répondre aux besoins des médecins dans le diagnostic et le suivi de thérapies. En effet, cette technologie utilise uniquement les marqueurs électrochimiques endogènes – naturels - du tissu. Les chercheurs de l’EPFL, en collaboration avec l'Hôpital Linkou Chang Gung Memorial Hospital à Taiwan, ont ainsi pu, pour la première fois, imager l’hémoglobine dans un cœur de souris grâce à la technique de microscopie électrochimique à balayage.

Pour cartographier la distribution des biomarqueurs et de nanomatériaux dans des tissus animaux et humains, les chercheurs de l’EPFL ont utilisé un scanner doté de sondes électrochimiques. Ce scanner, développé par Andreas Lesch et Tzu-En Lin du Laboratoire d’électrochimie physique et analytique à Sion (EPFL Valais/Wallis) est muni de 8 microélectrodes souples placées côte-à-côte. Elles peuvent glisser sur les tissus placés dans une solution électrolytique et mesurer la réponse électrochimique de la zone balayée. Certaines molécules ou des nanomatériaux, accumulés au préalable dans le tissu observé, acceptent ou donnent des électrons au médiateur électrochimique présent en solution, ce qui résulte en des courants électriques qui permettent aux chercheurs de reconstruire l’image. L'état redox d'une cellule cancéreuse est significativement différent d'une cellule normale, ce qui peut être suivi par électrochimie. L’imagerie par électrochimie peut aussi montrer si elles sont en excès et leur emplacement.

La peau de banane marqueur des stades du mélanome
Les scientifiques ont commencé par rechercher les biomarqueurs typiques du mélanome, qui sont aussi présents sur les taches noires des bananes trop mûres. Cette similarité leur a permis de travailler sur le fruit avant de développer une technique d’imagerie capable de mesurer la présence de tyrosinase et sa distribution dans la peau humaine. Une étape supplémentaire vient d’être franchie, en ciblant des tissus épais tels que la peau humaine (biopsie) en plus des fines coupes cellulaires.

«Tuer des cellules sur lames de microscope et sur des boîtes de Petri on sait très bien le faire par électrochimie, mais un tissu dans son épaisseur c’est autre chose», explique Hubert Girault, directeur du laboratoire. Le professeur espère qu’un jour on pourra utiliser la microscopie électrochimique pendant une opération. Il imagine un outil muni de microélectrodes en réseau, avec lesquelles il serait possible de faire une image en cas de doute ou de présomption d’une tumeur, puis de détruire électrochimiquement les cellules malades en applicant une haute tension : «environ deux volts, ce ne sont pas des voltages importants, mais suffisants pour générer des radicaux oxygène et éliminer la cellule cancéreuse.».

Les résultats ont été publiés dans Angewandte Chemie International Edition.
https://doi.org/10.1002/anie.201709271
Tzu-En Lin, Yu-Jen Lu, Chia-Liang Sun, Horst Pick, Jyh-Ping Chen, Andreas Lesch, and Hubert H Girault

Dossier de presse
https://go.epfl.ch/electrochemical_imaging