Cerner les maladies mentales

De gauche à droite: Patrice Guex (CHUV, UNIL), Pierre Magistretti (EPFL), François Ansermet (UNIGE, HUG), Dominique Müller (UNIGE)

De gauche à droite: Patrice Guex (CHUV, UNIL), Pierre Magistretti (EPFL), François Ansermet (UNIGE, HUG), Dominique Müller (UNIGE)

Le nouveau pôle national de recherche NCCR Synapsy a démarré le 1er octobre 2010.

Comment comprendre les bases biologiques des maladies mentales ? Comment tirer partie de manière totalement nouvelle des observations cliniques ? Et comment à terme générer de nouvelles formes de thérapies et surtout de nouvelles formations médicales à l’interface entre neurosciences et psychiatrie qui permettent de s’attaquer au dramatique essor de maladies mentales comme la dépression nerveuse.

C’est là l’ambition unique, et saluée comme telle par les experts internationaux, du nouveau Pôle Suisse de recherche national (NCCR) intitulé «SYNAPSY – Mécanismes synaptiques de maladies mentales» et qui a été officiellement lancé le 1er octobre 2010. Le projet choisi et annoncé par le département fédéral de l’intérieur du Conseiller Fédéral Didier Burkhalter est financé pour une durée de 4 ans par le Fonds National Suisse pour un budget total de 17,4 millions de francs Suisses. Le NCCR Synapsy comporte 4 grands programmes de recherches menés à l’EPFL (coordinatrice du NCCR), à l’Université de Lausanne (UNIL), à l’Université de Genève (UNIGE) et à l’Université de Bâle et 4 cohortes cliniques en interaction avec les deux hôpitaux cantonaux de Lausanne (CHUV) et de Genève (HUG).

Le concept de plasticité des synapses découvert dans les années 70 et étendu à l’ensemble du cerveau depuis une dizaine d’années, amène les chercheurs et cliniciens à revoir totalement leur perspective sur les maladies mentales. L’expérience quotidienne, les thérapies pharmacologiques ou les thérapies basées sur la parole, modifient fondamentalement le cerveau au point que l’on peut de moins en moins parler d’une maladie mentale donnée sans prendre en compte une perspective dynamique. Un paradigme nouveau qui amène les spécialistes à parler de plus en plus d’état de ces maladies à un moment donné. Un exemple très concret des convergences récentes entre neurosciences et psychiatrie. En remontant aux bases génétiques d’une maladie mentale, en allant identifier les marqueurs biologiques de ces pathologies, les « endophénotypes », on aide la recherche clinique à mieux catégoriser les maladies, à les identifier plus tôt et à en comprendre les mécanismes d’évolution. Les apports du clinique vers le biologique, par l’analyse de cohortes de malades par exemple, confrontés en retour aux études neuroscientifiques réalisées sur le modèle animal susciteront des aller-retour permanents entre pratique et théorie. Ces itérations constituent l’originalité et la singularité même du projet. Pour y parvenir le NCCR Synapsy s’appuiera donc sur des plateformes technologiques de séquençage génétique et d’imagerie médicale (CIBM) de pointe. La schizophrénie, l’autisme, les troubles anxieux ou la dépression nerveuse seront ciblées par ces études.

Le projet constitue donc un tournant important au sein de la communauté médicale et neuroscientifique. A terme, c’est la catégorisation même des maladies qui pourrait être revue et corrigée, ce sont évidemment de nouvelles pistes thérapeutiques qui pourraient être esquissée mais ce sont surtout de nouveaux cursus d’enseignement, en cours de discussion, et une nouvelle génération de psychiatres qui pourrait émerger.

Pour Pierre Magistretti, Directeur du NCCR Synapsy et auteur récemment d’un ouvrage* avec le psychiatre François Ansermet de l’Université de Genève : « Le choix de ce programme de recherche par le Département de l’intérieur est pour nous un signe fort de l’importance que la Suisse attribue à la recherche et au traitement des maladies mentales, maladies qui ont pris une importance considérable dans notre quotidien et dans les coûts de la santé ».

* Les énigmes du plaisir, Odile Jacob, Paris


Auteur: Didier Bonvin

Source: EPFL