Car postaux: les fréquences augmentent? La fréquentation aussi!

© 2013 EPFL

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Mandaté par CarPostal Suisse SA, le Centre de Transport de l’EPFL a analysé les données de fréquentation de l’entreprise aux cars jaunes. Résultat: une augmentation de la fréquence des courses peut avoir un impact deux fois plus fort sur la fréquentation.

Adapter l’offre à la demande constitue un vrai casse-tête pour toute entreprise. Encore plus quand il s’agit de transport public. Suffit-il d’augmenter la fréquence pour que la fréquentation suive ? Quels sont les autres facteurs en jeu ? Comment les régions font-elles face aux contraintes et aux défis liés à la planification de l’offre? Ces questions sont d’autant plus pertinentes au regard de l’évolution de la mobilité et des choix de mode de transport qui se posent aujourd’hui aux habitants des villes comme des campagnes.


Dans le cadre d’un projet de recherche sur la mobilité combinée, lancé en 2009 par CarPostal et le Centre de Transport de l’EPFL, trois laboratoires affiliés (CEAT, LASUR et TRANSP-OR) se sont penchés sur ces questions. Les chercheurs ont analysé les données de comptage automatique des quatre dernières années (2007-2010) sur 147 lignes des trois régions desservies par CarPostal: le Valais, l’Est et le Nord du pays.


Les résultats sont sans appel: une augmentation de la cadence des courses se traduit presque systématiquement par une hausse de la fréquentation plus que proportionnelle. Pour l’ensemble des lignes analysées, une augmentation de l’offre de 7,5% entraîne une hausse de la fréquentation de près de 15%. En outre, l’étude montre que CarPostal ne jouit pas seulement d’une image sympathique, rurale et touristique mais constitue un maillon à part entière de la chaîne de transports orientée vers les centres urbains ou le train.


Un rôle de desserte


Durant la période étudiée, 2007-2010, le nombre total de voyageurs-kilomètres – indice qui mesure à la fois le nombre de clients et la distance moyenne parcourue – de CarPostal a augmenté de 7,3%. L’étude montre que, sur les lignes à cadence élevée, l’ajout d’une course supplémentaire attire davantage de nouveaux voyageurs que sur les lignes dont la cadence est basse. En outre, les pendulaires sont plus susceptibles de prendre un car jaune s’il circule au moins une fois par heure sur la ligne. La densité de population vivant à proximité d’un arrêt et l’importance de la ligne dans le contexte régional sont aussi des facteurs déterminants de la fréquentation. En revanche, le taux d’emplois près d’un arrêt n’a pas montré d’impact significatif.
Les chercheurs ont aussi pu mesurer les effets de l’évolution des comportements en matière de mobilité et de la stratégie récente de CarPostal. Les espaces métropolitains, avec les lignes de rabattement sur des gares ferroviaires et les lignes aboutissant dans un centre, ont enregistré l’augmentation de la fréquentation la plus massive (respectivement +15% et +19%). En outre, sur ces lignes, plus on approche des gares, plus la fréquentation est élevée. Globalement, l’entreprise a aussi bénéficié de la politique très favorable au développement des transports publics en Suisse, de la croissance démographique et de l’expansion urbaine.


Fortes disparités régionales


S’il existe un lien positif entre fréquences et fréquentation, celui-ci n’est ni linéaire ni constant. L’échantillon étudié montre de fortes disparités selon les régions et les contextes analysés. Dans les régions de Saint-Gall et autour de Sion, par exemple, le nombre de voyageurs augmente malgré une offre stable. A Brigue, un ajustement mineur de l’offre est gratifié d’une forte augmentation de la clientèle. En revanche, Uznach et Bâle n’obtiennent pas la même augmentation de fréquentation, malgré un investissement supérieur à celui consenti à Brigue. Dans les régions d’Aarau et de Frauenfeld, le nombre de voyageurs est en hausse de 30%, avec un investissement pourtant plus modeste qu’à Bâle. Ces différences régionales s’expliquent notamment par l’environnement politique local, la présence de communautés tarifaires, la pratique de tarifs préférentiels pour les touristes ou les changements structurels tels que l’ouverture d’écoles ou de nouvelles infrastructures.


Finalement, les scientifiques ont évalué le potentiel d’amélioration de l’offre de CarPostal. Dans les régions rurales et périurbaines où l’entreprise de transport est présente, 70% des habitants utilisent leur voiture pour se rendre au travail. «Les choix modaux sont ancrés dans notre mode de vie et il n’est pas simple de changer les pratiques, rappelle Vincent Kaufmann, directeur du LASUR. Leur modification est souvent liée à une transition dans la vie.»
Les plus grandes opportunités de gains de voyageurs en augmentant l’offre se situent aux abords des grandes agglomérations, sur des lignes de rabattement vers les gares, des lignes des régions touristiques – pour autant qu’elles soient bien connectées au réseau ferroviaire – ou des lignes fortement fréquentées dont on peut étendre l’offre en soirée.


Un outil de planification


Cette analyse des données de fréquentation constitue la cinquième et dernière étape d’une collaboration de quatre ans menée entre le Centre de Transport de l’EPFL (TraCE) et CarPostal. Baptisé Optima, le projet financé par le fond de l’innovation de la Poste Suisse se clôt par un indéniable succès pour les deux partenaires. Les scientifiques ont pu développer des outils d’analyse tant quantitatifs que qualitatifs pour mieux déterminer les facteurs à l’œuvre dans les choix de mobilité. CarPostal en retire de précieux éléments sur les déterminants qui influencent la demande, une évaluation des effets de sa politique de développement au cours des dernières années et surtout des pistes pour mieux cibler ses stratégies futures.