Cancer: les tumeurs absorbent le sucre pour leur mobilité

creative commons / rockindave1

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Certaines cellules cancéreuses se caractérisent à la fois par leur importante consommation de sucre et par leur grande mobilité. Des chercheurs de l’EPFL démontrent que ces deux phénomènes sont liés.

Les cellules cancéreuses sont gourmandes. On sait depuis longtemps qu’elles monopolisent de grandes quantités de sucre. Plus récemment, on a pris conscience que certaines cellules tumorales se caractérisent également par une série de caractéristiques comme une grande mobilité ou une tendance moindre à adhérer dans un ensemble ordonné. Un comportement que les chercheurs qualifient de «mésenchymateux», et qu’ils suspectent de favoriser l’apparition de métastases.

A l’EPFL, l’équipe d’Etienne Meylan a pu démontrer que les deux observations – appétit pour le sucre et comportement mésenchymateux – résultent d’un même mécanisme, du moins dans le cancer du poumon dit «non à petites cellules». Ils ont également prouvé que l’intensité du phénomène influençait sensiblement les chances de survie des malades. Publiée dans Cancer & Metabolism, cette découverte laisse entrevoir de nouvelles cibles potentielles pour de futures thérapies.

Un mécanisme utile, mais mis à contribution par le cancer
Le comportement mésenchymateux n’est pas en soi une anomalie. Pendant le développement embryonnaire, certaines cellules acquièrent ces caractéristiques. Chez l’adulte, quelques rares cellules conservent ces dispositions.

«Le comportement mésenchymateux est une caractéristique tout à fait utile, mais qui est réactivée de manière anormale dans les cancers du poumon non à petite cellule, que nous avons étudié», explique Etienne Meylan.

Les cellules cancéreuses mésenchymateuses sur lesquelles se sont penchés les chercheurs produisent une protéine appelée GLUT3. Cette dernière a pour fonction de capter le glucose afin d’activer divers processus de croissance. C’est elle qui est responsable de subvenir aux besoins en sucre de la cellule.

En induisant artificiellement un comportement mésenchymateux dans des cellules cancéreuses, les chercheurs ont constaté que ces dernières se mettaient spontanément à produire GLUT3. Une observation qui montre clairement qu’un même mécanisme est à l’œuvre. «Ce passage d’un comportement à un autre, appelé transition épithélio-mésenchymateuse, est une question très discutée. Nous avons clairement établi un rapport de cause à effet entre cette transition et la consommation de glucose des cellules cancéreuses», explique Mark Masin, premier auteur et doctorant à l’EPFL.

Une étude auprès de malades confirme les résultats
Les cellules tumorales pulmonaires produisent des quantités extrêmement variables de GLUT3. C’est que le gène responsable est lui-même régulé par un autre élément appelé Zeb1, et que la quantité de ce dernier est fonction de multiples causes.

Ces variations dans les quantités de GLUT3 semblent être un indicateur sérieux du degré d’agressivité de la tumeur. En analysant les données de 450 patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules, les chercheurs on pu montrer que plus les quantités de GLUT3 sont importantes, plus faibles sont les chances de survie.

Les patients étaient diagnostiqués relativement tôt et suivis sur plusieurs années. Selon qu’ils produisaient beaucoup ou peu de GLUT3, leur taux de survie à sept ans variait de quasiment 20%. «Nos données ne nous permettent pas d’affirmer que le mécanisme favorise les métastases, mais il vient renforcer le faisceau de présomption», explique Mark Masin.

La découverte identifie une cible potentielle pour de futurs médicaments. Etienne Meylan imagine par exemple une molécule toxique qui pourrait spécifiquement être incorporé par GLUT3 pour détruire la cellule de l’intérieur. «Protégés par la barrière hémato-encéphalique, les neurones qui produisent également GLUT3 ne seraient pas touchés», explique le chercheur.


Auteur: Lionel Pousaz

Source: EPFL