"Avec seulement 5 millions, notre mini-beamer est concurrentiel"

© 2014 EPFL

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Lemoptix développe un projecteur ultra-compact. La spin-off de l’EPFL a d’ores et déjà réussi son entrée sur un marché très concurrentiel, et vise de nouveaux marchés pour l’année 2014.

Un système de projection à peine plus gros qu’un demi sucre est en passe de s’intégrer dans de nombreux outils du quotidien. Lunettes à réalité augmentée, système d’affichage « tête haute » pour les voitures, téléphones portables, scanner 3D : Lemoptix, qui compte désormais 22 employés, espère finaliser d’importants contrats d’ici la fin de l’année. Le point avec son concepteur et CTO de l’entreprise, Nicolas Abelé.

- Votre société a été fondée en 2008. Où en est le développement de votre petit beamer ?
Nicolas Abelé : En 2008, alors que nous venions de mettre au point cette technologie entre les laboratoires de microsystèmes et d’électronique, l’objectif était avant tout d’en faire un beamer intégrable dans les téléphones portables. Mais d’une part, c’est l’un des défis les plus difficiles puisqu’il faut dès le début que le dispositif soit petit, que sa consommation soit minimale et que son coût soit extrêmement optimisé. D’autre part le marché est en dents de scie dans ce domaine car les acteurs se focalisent par phases successives, soit sur le software (système d’exploitation), soit sur le hardware. Entre temps trois autres marchés importants ont émergé pour notre technologie. Le plus attractif actuellement est l’affichage tête-haute pour les voitures (Head-Up Display), où les fabricants eux-mêmes sont venus nous voir pour développer la « prochaine génération » de systèmes, afin d’obtenir, à terme, un système de réalité augmentée pour le conducteur. Le deuxième marché est celui du scanner tridimensionnel pour les ordinateurs portables, les jeux ou la sécurité. En terme de données, c’est l’équivalent de ce que fournit la « kinect », mais notre technologie y apporte l’aspect dynamique de l’illumination de la scène, ce qui permet au système de capture d’image d’être beaucoup plus simple, plus compact et basse consommation. Une des applications intéressantes est pour les imprimantes 3D, puisqu’il permet d’obtenir une image en profondeur de l’objet instantanément et pouvant être transmise à l’imprimante dans la foulée. Plus récemment, nous avons validé le formidable avantage de notre système de projection pour les lunettes à réalité augmentée. Pour l’instant, la surface de projection est petite et peu lumineuse car elle nécessite un traitement spécial du verre qui le rend opaque. Notre solution permet de projeter une image plus grande (immersive), sans surface opaque et avec une consommation ultra-faible , permettant une utilisation plus longue et plus confortable.

- Ces technologies semblent prometteuses, mais quand les verrons-nous sur le marché ? Dans un article paru en 2010, vous nous annonciez une mise sur le marché en 2011. Qu’en est-il ?
- Le cœur de la technologie a effectivement été intégré chez le constructeur japonais Hamamatsu Photonics en 2011, puis mis sur le marché il y a un an et demi, pour des systèmes très divers allant de l’impression laser aux capteurs industriels. Nous fonctionnons avec un système de licence et les négociations prennent beaucoup de temps. Pour tous les domaines cités plus haut, nous sommes en contact avec de très grandes entreprises depuis plusieurs années. Il faut passer par de nombreux interlocuteurs au sein de ces grandes entreprises. Du chasseur d’idées à l’ingénieur chargé de l’intégration à proprement parler. Et à chaque fois, nous devons adapter notre concept en fonction des besoins du client. Mais nous arrivons maintenant à des stades de discussions très avancés avec de grands acteurs dans tous les domaines d’application cités précédemment. Pour l’automobile par exemple, nous visons que notre technologie équipe des voitures de série vers 2017.

- En quoi votre système constitue-t-il une innovation ? Où fabriquez-vous vos dispositifs et comment les vendez-vous?
- Il est basé sur les MEMS (systèmes micro-électro-mécanique) et fonctionne grâce à un seul minuscule miroir de moins d’un millimètre de diamètre, fabriqué en plusieurs centaines d’exemplaires sur une plaquette de silicium (wafer). Un projecteur contient un seul miroir qui réfléchit des rayons laser rouge, bleu et vert. Le miroir oscille sur deux axes de rotation et balaie le faisceau lumineux à raison de 20'000 fois par seconde. Chaque pixel de l’image est alors créé par la modulation des lasers, qui est de l’ordre de 100 millions de pulsations par seconde, si rapide que pour l’œil humain, l’image est totalement homogène et stable. . Tous les prototypes de miroirs sont fabriqués en salle blanche sur le campus (CMI), l’électronique est conçue dans nos locaux de l’Innovation Park à l’EPFL et assemblée sur PCB localement, les circuits intégrés (ASIC) sont fabriqués à Taïwan et l’assemblage de la tête de projection est effectué par nos soins. Nous avons des personnes en Corée, au Japon et aux Etats-Unis notamment pour démarcher et suivre les clients.

- Quel est le secret de votre développement rapide ?
- Notre grande force certainement est que parmi les 22 employés, il y a d’excellents spécialistes dans tous les domaines auxquels on touche comme l’optique, la microtechnique, l’électronique, l’opto-mécanique... Nous sommes par ailleurs efficaces dans la conception parce que nous arrivons à faire en sorte que tous ces corps de métiers qui ont des vocabulaires, des points de vue et des expertises spécifiques fonctionnent bien ensemble, pour atteindre un même objectif. Ayant toutes ces expertises en interne, et non en externe, nous pouvons trouver plus rapidement des compromis entre toutes les spécifications techniques, ce qui nous permet d’avancer rapidement. L’énorme avantage est aussi que nous trouvons sans arrêt de nouvelles idées pour faire encore mieux, ce qui nous permet d’innover et de consolider notre portefeuille de brevets. L’inconvénient, c’est que nous ne sommes jamais entièrement satisfaits à l’instant « T » de l’état d’avancement technique, puisque nous savons toujours comment améliorer le système. Cette année nous avons donc décidé d’atteindre une sorte de palier pour une première version commercialisable, sous forme de designs de référence dans les différents marchés cités.Cela fait 5 ans que nous optimisons notre système et il est mature pour discuter de son intégration dans les lignes de production (supply chain) de gros acteurs du marché. Du fait de notre innovation constante, de notre rapidité d’exécution, et de ses performances, notre technologie est très souvent choisie pour rentrer dans des phases de développement avancées, malgré des concurrents de poids où de grosses équipes travaillent depuis 15-20 ans au développement d’une technologie assez similaire. 2014 sera l’année Lemoptix, nous en sommes convaincus !

- De combien d’investissements avez-vous eu besoin jusqu’à maintenant? Ressentez-vous de la pression de la part de vos investisseurs, qui sont majoritairement des business angels ?
- Nous sommes assez fiers d’avoir réussi à obtenir un produit qui a un gros avantage face à la concurrence avec seulement 5.5 millions de francs d’investissements. Alors que nos principaux concurrents ont eu des investissements entre plusieurs dizaines de millions jusqu’à un demi-milliard pour l’un d’entre eux. Pour une société comme la nôtre qui se développe rapidement, la pression est importante mais reste gérable, les investisseurs appréciant nos progrès du point de vue commercial et technique.



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Le Mview est la tête optique de projection la plus petite du monde© 2014 Lemoptix
Le Mview est la tête optique de projection la plus petite du monde© 2014 Lemoptix

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