A la chasse aux microbes

© 2018 Keystone

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Une équipe de l’EPFL va partir de par le monde identifier les micro-organismes glaciaires

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Parcourir les ruisseaux et rivières des glaciers aux quatre coins du monde: l’expédition que prépare Tom Battin n’a, cependant, rien à voir avec du tourisme. Directeur du Laboratoire de recherche en biofilms et écosystèmes fluviaux (SBER) de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), ce biologiste part avec son équipe à la recherche des bactéries et autres microorganismes – organisées en «biofilms» ou en fines pellicules qui se cachent sous les glaciers et qui revivent une fois mis au jour par la fonte.

Glaciers comme reliques

Intégré dans le futur dans le Centre pour l’étude du changement des environnements alpins et polaires de Sion, sur le site de l’EPFL Valais Wallis, son laboratoire situé pour le moment à l’EPFL à Renens (VD) travaille d’arrache-pied sur une vraie expédition passant par le Kamchatka et l’Himalaya. Trois à quatre expéditions seront organisées durant trois ans.

«Il y a 500 millions d’années, la Terre était comme une gigantesque boule de neige qui, lors des fontes, générait des cours d’eau en grand nombre», explique le scientifique. «Aujourd’hui, les glaciers que nous avons dans le monde sont des reliques de ce système renfermant des microorganismes datant de cette époque lointaine. D’où l’intérêt de voir comment ils se sont adaptés, de les collecter et de constituer leur profil ADN.»

Début en Valais

Ces données génétiques vont permettre aux chercheurs de remonter dans le temps et révéler d’anciens marqueurs génétiques ainsi que les stratégies d’adaptation que les microbes ont développées au fil du temps. Avec la fonte des glaciers qui va provoquer la disparition de 50% des plus petits d’entre eux, en Suisse, d’ici 25 ans, il devient urgent d’étudier les microorganismes qui en dépendent.

Après une phase d’entraînement, cet automne, dans les montagnes valaisannes, la mission scientifique commencera réellement, au début de janvier 2019, par un déplacement en Nouvelle-Zélande. D’ici-là, le directeur du SBER va recruter entre 7 et 9 chercheurs. «Vu le côté alpin de cette mission, je suis content d’avoir dans mes rangs Mike Styllas, un géologue et grand alpiniste qui a déjà gravi des sommets himalayens comme l’Everest», explique Tom Battin. «Il coordonne les diverses missions avec des alpinistes italien et canadiens. C’est nécessaire, car l’aventure comporte un certain risque.»

Plusieurs millions

Toute cette opération est complexe et coûte fort cher. Il faudra se déplacer en Alaska, dans les Andes ou au Groenland. Sur place, il faudra collecter les micro-organismes et les placer dans l’azote liquide. Il faudra aussi séquencer leur ADN, des travaux qui seront, en partie, effectués au Luxembourg. Tom Battin ne donne pas le budget total de cette recherche, mais lâche tout de même qu’elle va coûter plusieurs millions.

«Nous avons le soutien de Nomis Foundation, une fondation suisse qui soutient la recherche fondamentale», commente le directeur. «Elle est très généreuse et s’intéresse aux sciences de base et pas seulement aux sciences appliquées.» Ce domaine d’investigation est, par ailleurs, bien moins fouillé que celui des micro-organismes des abysses.